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L'Espace dernier de Mattias Pintscher à la Bastille ; pas d’illumination

On attendait beaucoup de la création de ce Musiktheather de Matthias Pintscher à l’Opéra-Bastille. Le compositeur avait multiplié les interviews et là l’inquiétude avait commencé à poindre. Va pour une œuvre sans personnages, sans action, sans progression mais si en plus elle est profondément dépressive comme l’avait indiqué le compositeur, ne trahit-elle pas l’esprit même de Rimbaud tel qu’il avait été illustré par des compositeurs comme Britten dans ses Illuminations où Henze dans son magnifique Being beauteous.

Certes chacun a son Rimbaud et on ne saurait nier l’implication du compositeur dans l’œuvre du poète français depuis sa quinzième année jusqu’à aujourd’hui où il a voulu se débarrasser de son assujettissement au poète par cette somme qui est un peu un fardeau. Car comment soutenir l’intérêt avec cette musique qui ne se renouvelle volontairement pas, dont le matériau est plutôt du concret instrumental raffiné de faible densité, alors qu’avec les précédents Hérodiade-Fragmente et Concerto pour violon le musicien nous avait habitué à beaucoup plus d’invention.

Surnagent les références à la pièce « sur départ », d’un effet poétique certain. L’écriture vocale ne met pas en valeur les chanteurs, en particulier la soprano aigu Elisabeth Keusch qui se limite ici à quelques notes suraigues poussées abruptement. On est loin de l’art de la colorature illustré par Claudia Barainski dans Hérodiade-Fragmente. Les voix valeureuses de Jeanne-Michele Charbonnet et de Iride Martinez ont été un peu mieux traitées, la dernière dans un court aria sur la très belle phrase « Le Monde vibrera comme une immense lyre dans le frémissement d’un immense baiser ! », qui contredit la tonalité dépressive annoncée. Le ténor Graham Clark se démène comme un beau diable et la basse Gidon Saks fait résonner sa voix puissante.

La mise en scène de Michael Simon est ambitieuse avec son ébauche de chorégraphie, ses projections de textes en cascades, ses éléments mobiles qui évoquent les installations de Richard Serra, ses rubans de Moebius mais, malgré son agitation, elle ne réussit pas à nous sortir de la torpeur générale. On ne peut qu’admirer le travail considérable du chef d’orchestre Kwamé Ryan. Pintscher dit qu’à la fin l’opéra pourrait recommencer et les dernières pages nous en donnent presque l’envie mais il est malheureusement trop tard.

Sylvain Hochard

Portefolio de mise en scène (2 photos).

Opéra Bastille, les 23 et 26 février et les 1er, 3, 6 et 9 mars.

Photo : Elizabeth Keusch (Soprano léger, Jeanne-Michèle Charbonnet (Soprano dramatique), Klara Csordas (Mezzo-soprano), Iride Martinez (Soprano lyrique), Gidon Saks (Baryton-basse de caractère), Graham Clark (Ténor spinto) ; Au second plan : Solistes du choeur Accentus, Danseurs.

Photo : Eric Mahoudeau
 

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