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Les Révélations 2011 de l’Adami à Prades - Talents d’avenir - Compte-rendu

Prades, le 3 août : l’habitude est désormais solidement établie ; tous les ans à la même date le Festival Pablo Casals accueille le concert de la nouvelle promotion des Révélations classiques de l’Adami (1). On attend toujours avec beaucoup de curiosité de découvrir les jeunes interprètes sélectionnés par Sonia Nigoghossian(2) et Françoise Pétro. Ces deux enthousiastes chercheuses de talents ont une fois de plus vu juste : la « promo » Adami 2011 témoigne d’une remarquable homogénéité dans la qualité avec des artistes (4 instrumentistes et 4 chanteurs) dont la moyenne d’âge n’excède pas 22-23 ans mais qui possèdent déjà tous une solide expérience de la scène.

Pianiste au parcours riche et atypique, attiré par le répertoire contemporain (un Premier Prix au XIIIe Concours de Girone dès 2006 !) et le jazz, Yannaël Quenel vient de terminer ses études sous la direction de Lilya Zylberstein à la Hochschule de Hambourg. Intelligence de l’articulation, richesse des couleurs, l’Allemande de Rameau avec laquelle il ouvre le concert dans la belle église de Catllar séduit immédiatement. Sans transition, l’interprète aborde aussi facilement l’univers debussyste avec La danse de Puck puis des Feux d’artifice où la technique sert toujours la poésie

Romuald Grimbert-Barré a également accompli une bonne part de sa formation à l’étranger. Après un 1er Prix à 15 ans au CNR de Boulogne-Billancourt, le violoniste a en effet travaillé pendant cinq ans à Bloomington auprès de Mauricio Fuks et étudie désormais la musique de chambre avec Marc Coppey au CNSM de Paris. Dans la Carmen Fantaisie, il a toute latitude pour faire montre d’une virtuosité étincelante. Jamais toutefois la coruscante pièce de Franz Waxman ne cède au tape-à-l’œil sous un archet d’une captivante présence. Le musicien guide le virtuose.

La guitare n’a jusqu’ici guère été présente dans les sélections de l’Adami. On ne peut que se féliciter de la trouver, représentée par un artiste du niveau de Gabriel Bianco. Bardé de prix glanés dans de prestigieux concours (la GFA de San Francisco en 2008, Madrid en 2011, etc.), l’ancien élève d’Olivier Chassain au CNSM de Paris déploie toutes ses qualités musicales et techniques dans Introduction et Caprice de Giulio Regondi (1822-1872). Sonorité bien projetée, clarté du discours : avec un tel interprète, la voix intimiste de la guitare capte immédiatement l’attention de l’auditoire et sait le tenir en haleine.

Le violoncelliste Louis Rodde est également issu de CNSM de Paris (où il a étudié avec Roland Pidoux et Xavier Phillips) et se perfectionne à présent à la Hochschule de Leipzig auprès de Peter Bruns. Le romantisme allemand réussit au jeune interprète avec deux des Cinq Pièces dans le style populaire, op 102 de Schumann (Mit Humor, Langsam) d’une poésie à fleur de peau. On n’apprécie pas moins l’Andante de la Sonate n°2 de Fauré, chanté à pleins poumons par un généreux archet que porte le piano d’Emmanuel Normand, depuis plusieurs années fidèle accompagnateur des artistes sélectionnés par l’Adami.

Tout aussi à son aise au côté des chanteurs, le pianiste fait d’abord équipe avec Jean-Gabriel Saint-Martin. Déjà remarqué dans plusieurs productions de la compagnie Les Brigands, le baryton est depuis 2009 membre de l’Opéra Studio à l’Opéra du Rhin. Dans ce cadre, il a entre autres participé à Aladin et la lampe merveilleuse de Nino Rota et, plus récemment, à Ali Baba de Cherubini. L’air de Slook de La Cambiale di matrimonio de Rossini montre toute l’aisance dans le registre bouffe d’un merveilleux comédien, tandis que l’air de Mercutio « Mab la reine des mensonges » du Roméo et Juliette de Gounod souligne la tenue et la clarté de diction d’une voix richement timbrée et homogène.

L’attention aux mots est d’ailleurs une qualité commune à tous les chanteurs présentés cette année et Marianne Crébassa se montre exemplaire sur ce point. Membre de l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris, la mezzo a participé le mois dernier à La Magicienne de Halévy au Festival de Radio France et de Montpellier, manifestation qui lui a fait confiance dès 2008 pour un rôle dans Fedra de Pizzetti. Brûlant d’intensité mais jamais emphatique, l’air «J’ai perdu mon Eurydice » (Gluck / Berlioz) souligne un splendide tempérament de tragédienne. Il se double d’une grande polyvalence dans les emplois, comme l’atteste l’air de Rosine « Una voce poco fa », enlevé quelques instants plus tard avec un brio et un piquant auxquels on ne résiste pas.

Un peu moins avancé dans la carrière que ses collègues, Kevin Amiel intègrera l’Atelier lyrique de l’Opéra de Paris à la rentrée prochaine. 3ème Prix au Concours de chant de Marseille il y a deux ans, le jeune ténor est un artiste plein de tempérament et de promesses (que d’aucuns ont pu l’entendre l’an dernier à l’Opéra Marseille où il tenait le rôle du jeune homme dans The saint of Bleecker Street de Menotti). L’air « Ah ! lève toi, soleil ! » de Roméo et Juliette et le « Ella mi fu rapita » de Rigoletto mettent en valeur une voix homogène, un aigu facile – et un visible bonheur dans la relation avec le public !

Sabine Devieilhe, qui conclut le concert des Révélations Adami, n’est pas en reste sur ce point. Après avoir participé de 2004 à 2007 aux chœurs de l’Opéra de Rennes, la soprano a été formée par Pierre Mervant et Malcolm Walker au CNSM de Paris. Membre d’ensembles tels que Mélisme(s) ou Pygmalion, elle se produit de plus en en plus souvent en soliste et se meut avec facilité dans un répertoire très diversifié, du baroque à la musique du XXe siècle. Vénus dans le Dardanus dirigé par Raphaël Pichon à Beaune début juillet, elle offre au public du Festival de Prades l’air « Je suis Titania la blonde… » de Mignon et le « Glitter and be gay… » de Candide. Un vrai feu d’artifice vocal, assumé avec technique très sûre et un chic fou, et une éblouissante performance scénique !

Le quatuor final de Rigoletto, suivi côté instrumental par Primavera porteña de Piazzola (avec R. Grimbert-Barré, L. Rodde et Y. Quenel) répondent en bis à l’enthousiasme d’un auditoire conquis par la jeunesse et le talent ! Huit artistes à suivre de près, vous l’aurez compris.

Alain Cochard

(1) de gauche à droite : Gabriel Bianco (guitare), Romuald Grimbert-Barré (violon), Marianne Crebassa( mezzo), Yannaël Quenel (piano), Louis Rodde (violoncelle), Jean Gabriel Saint-Martin (baryton), Sabine Devieilhe (soprano), Kevin Amiel (ténor) / (photo : Thomas Bartel)

(2) Lire l'interview de Sonia Nigoghossian (datée du 30 juillet 2010)

Festival Pablo Casals de Prades – Eglise de Catllar, 3 août 2011

Pour consulter les biographies complètes des artistes : www.adami.fr/promouvoir-la-culture/les-talents-adami/revelations-classiq...

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Photo : Thomas Bartel

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