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L'Ensemble intercontemporain à la Philharmonie de Paris - Un espace pour jouer avec son temps

Matthias Pintscher

C'était hier : c'était il y a vingt ans. L'Ensemble intercontemporain s'installait dans la toute nouvelle Cité de la musique bâtie par Christian de Portzamparc. Avec la Salle des concerts comme port d'attache, mais aussi avec la réunion en en même lieu des services administratifs et des espaces de répétition, l'ensemble mettait fin à près de vingt années de nomadisme.
Son premier concert parisien, en janvier 1977 sous la direction de Michel Tabachnik, l'EIC le donne au Théâtre de la Ville, première station d'une véritable épopée qui porte dès lors la musique du 20e siècle aux quatre coins de la capitale. Peu d'orchestres ont à ce point voyagé : le Centre Pompidou, l'Ircam que l'on vient d'inaugurer, mais aussi la Maison de la Radio, le Théâtre du Rond-Point, l'Opéra Comique, le Musée d'Art moderne ou celui d'Orsay, l'Auditorium des Halles et le Théâtre du Châtelet l'accueillent, constellation de salles pour une programmation tous azimuts.
 
Nouveaux horizons
 
Avec la Philharmonie de Paris où il est désormais en résidence, l'Ensemble intercontemporain voit s'ouvrir de nouveaux horizons.
À première vue, pas de bouleversement : la Salle des concerts de la Cité de la musique, rebaptisée Philharmonie 2, demeure le point d'ancrage essentiel de la saison de l'ensemble. C'est ainsi dans une salle qu'il connaît bien qu'il abordera cette nouvelle page de son histoire, le 16 janvier, avec Intégrales de Varèse, suivi par d'autres œuvres emblématiques du répertoire de l'ensemble. Outre des formes réinventées – avec par exemple le Concerto pour piano de Ligeti – le programme proposé par Matthias Pintscher, directeur musical depuis 2013, explore le dialogue de l'instrumental et de l'électronique, un domaine que l'Ensemble intercontemporain, associé à l'Ircam, a largement contribué à faire évoluer (Metallics de Yan Maresz, Related Rocks de Magnus Lindberg).
Mais le passage de la Cité de la musique à la Philharmonie va bien au-delà d'un simple changement de nom : il crée pour l'ensemble un environnement nouveau. Symboliquement, le bâtiment conçu par Jean Nouvel tend la main vers celui de Christian de Portzamparc. Au sein de la Philharmonie, les deux bâtiments entrent bel et bien en résonance, et l'Ensemble intercontemporain a vocation à jouer de l'un ou l'autre au gré de ce que la musique requiert. On attend ainsi avec impatience le concert du 11 juin, dans la Grande Salle de la Philharmonie 1, un lieu à la mesure de Répons de Pierre Boulez.
 

L'Ensemble intercontemporain et Matthias Pintscher © Luc Hossepied
 
Dialogues
 
Ce lieu, l'ensemble le découvrira dès le 3 février. Le programme, de nouveau, est tout un symbole avec Amériques de Varèse (encore lui) et Pli selon pli de Pierre Boulez, le fondateur de l'ensemble. Ces deux partitions monumentales nécessitent des forces bien plus importantes que les 31 solistes qui composent l'EIC ; ils seront donc épaulés, pour ce concert dirigé par Matthias Pintscher, par les musiciens de l'Orchestre du Conservatoire. Il a toujours été clair dans les projets artistiques de Pierre Boulez – que ce soit au « Domaine musical » dès les années 1950 ou avec l'Ensemble intercontemporain à partir de 1976 – qu'un dialogue devait s'établir avec les autres acteurs de la vie musicale et, au-delà, artistique. Les orchestres symphoniques en particulier doivent jouer pleinement leur rôle dans la diffusion de la musique d'aujourd'hui, quitte à prendre quelques risques hors du répertoire traditionnel.
Dès sa première saison, intitulée éloquemment « Passage du 20e siècle », l'Ensemble intercontemporain invite ainsi l'Orchestre national de France et Lorin Maazel à donner un contrepoint symphonique à ses propres programmes (avec déjà... Amériques de Varèse). Quelques années plus tard, avec l'Orchestre de Paris, Pierre Boulez lance les « concerts à deux orchestres » qu'il dirige lui-même ou confie à Gilbert Amy, Myung-Whun Chung, Charles Dutoit ... À la Philharmonie, la présence d'autres formations – à commencer par la résidence de l'Orchestre de Paris – devrait enfin permettre de bâtir des projets pérennes faisant fi des cloisonnements qui ont progressivement isolé répertoires et publics.
 
Invitation à l'écoute
 
Comme le souligne Hervé Boutry, directeur général de l'Ensemble intercontemporain, la Philharmonie est une « maison de musique ». Elle doit être une invitation permanente à l'écoute et l'EIC devra pour cela l'habiter pleinement et en ouvrir grand les portes. L'ensemble a toujours mis l'accent sur la pédagogie et la Philharmonie lui permettra d'œuvrer davantage pour attiser la curiosité de tous les publics, en faisant du concert une forme de nouveau désirable. La saison dernière, l'EIC avait innové avec ses week-ends « Turbulences » où la musique, débordant ses frontières habituelles, investissait la Cité de la musique tout entière. C'est à l'avenir toute la Philharmonie qui lui offrira ses espaces accueillants, harmonieux et divers – dont la superbe salle de répétition, à découvrir le 18 janvier avec des œuvres de Bruno Mantovani, Gérard Pesson, Dai Fujikura, Yann Robin et Tristan Murail.
Voilà le nouveau terrain de jeu de l'Ensemble intercontemporain, et l'espace redessiné pour la création musicale.
 
Jean-Guillaume Lebrun
 
Ensemble intercontemporain, Marisol Montalvo (sop.) dir. Matthias Pintscher
Œuvres de Varèse et Boulez
3 février – 20h30
Paris – Philharmonie 1
www.concertclassic.com/concert/varese-ameriques-boulez-pli-selon-pli

Photo Matthias Pintscher © Aymeric Warmé-Janville 2013

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