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Le Shadowland des Pilobolus - L’âme en l’air - Compte-rendu

Il ne serait pas sage de les manquer ! Ces douze gentils loufoques dont le professionnalisme et la maîtrise technique peuvent en remontrer à bien des troupes institutionnelles, fonctionnent sur le mode avoué du divertissement, au sens fort. Ils nous détournent du réel des corps, des dimensions, des perspectives, nous font valser de l’ombre (chinoise) à la lumière des projecteurs, en ayant l’air de bien s’amuser. Mode opératoire: on dit tout avec les corps, à peine masqués de quelques oripeaux, des chiffons, des écrans manipulés à toute vitesse, trois ustensiles de bastringue. De contours mouvants en vrais tableaux, souvent d’un kitsch un rien provocateur à force de se vouloir bêta, on revisite Alice ou Narnia, et l’adolescence se frotte à ses rêves ou cauchemars : perte d’identité, crainte des adultes, rébellion, peur de l’ogre, transformation animalière (oh le gentil toutou errant avec son baluchon, dont l’héroïne emprunte la silhouette !) quête d’un maître, émoi de l’Eros naissant, autant de contes qui tels Casse-noisette ou la Belle au Bois dormant redisent toujours l’histoire de l’éveil.

Tout cela montré avec une décapante et bienveillante loufoquerie, qui grâce à nos acrobates, dénature les corps en performances ondulatoires inouïes. On est à la fois amusés, charmés, provoqués, touchés souvent, étonnés toujours et parfois même franchement secoués par ces prouesses d’imagination qui se déchaînent l’air de rien. Ce Shadowland, rôdé depuis un certain temps - on comprend qu’une telle performance ne s’improvise pas - n’a plus grand rapport avec la première formule des Pilobolus, créée en 1971 par le même Robby Barnett qui préside aujourd’hui aux orientations de la compagnie, avec quelques autres comme Neil Peter Jampolis, étourdissant éclairagiste. A l’époque le concept en était plus abstrait, plus graphique. Il se veut aujourd’hui ouvert à un très large public, porté par une musique gentiment rock, sans rien perdre de ses exigences techniques. Athlètes accomplis, dont la musculature impressionnante n’empêche ni la grâce ni la douceur, ces merveilleux larrons en foire nous emmènent sur les tréteaux de nos rêves. Sensuel, rafraîchissant et poétique.

Jacqueline Thuilleux

Shadolwland par Pilobolus – Paris, Folies Bergère, 11 avril, représentations tous les jours saf le lundi jusqu’au 21 avril 2013. www.foliesbergere.com

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Photo : John Kane
 

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