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Le Rappel des Oiseaux par Mathieu Ganio et Kotaro Fukuma au Café de la Danse – Fascinante métamorphose – Compte-rendu

Kotaro Fukuma se montre très présent sur les scènes parisiennes en ce printemps et nul ne s’en plaindra. Après avoir été l’invité de Piano aux Jacobins, le 6 avril à la Maison de la Culture du Japon, pour le concert hors les murs du festival toulousain ; un prélude désormais rituel à l’édition à suivre (le 37ème Festival se déroulera du 8 au 28 septembre), on le découvre dans le « Rappel des Oiseaux » au Café de la Danse.
 

Kotaro Fukuma © Stéphane Delavoye

D’un récital de format traditionnel à la MCJP (marqué en particulier par des Debussy, Scriabine et Takemitsu d’une rare densité), Fukuma passe ici à un spectacle inclassable, qui conclut en beauté l’inventive et découvreuse saison des Pianissimes. On sait gré à Olivier Bouley, fondateur et directeur artistique de la série, d’avoir osé – verbe trop peu conjugué dans un monde classique passablement conformiste – programmer « Le Rappel des Oiseaux » ... et à la metteuse en scène Orianne Moretti d’avoir provoqué la rencontre de Mathieu Ganio et Kotaro Fukuma autour du Journal d’un fou.

Mathieu Ganio © Stephane Audran

Salle pleine comme un œuf : les amoureux de danse ont répondu nombreux pour retrouver le danseur étoile de l’Opéra de Paris. Sans doute auront-ils été surpris par la part réduite de la danse (Bruno Bouché signe la chorégraphie). Mais la démarche d’Orianne Moretti ne vise jamais celle-ci en tant que telle, ni la musique, ni le théâtre d’ailleurs, aspirant à une symbiose des trois – au service de la nouvelle de Gogol, fidèlement adaptée par la metteuse en scène – dans la plus totale sobriété (plateau nu, le piano au fond à jardin, un chaise, un banc, un drap blanc et une plume d’oiseau).

Une pleine réussite ! Et d’abord pour Mathieu Gagnio qui se livre à sa toute première expérience théâtrale – puisse-t-il ne pas en rester là ... Rien de forcé dans son expression, mais une présence et une intelligence psychologique remarquables, grâce auxquelles il caractérise avec justesse les différents protagonistes et, surtout, suggère physiquement l'insidieuse progression dans la folie chez le personnage central, avec fluidité, sans jamais rien surjouer. Fascinante métamorphose ...

© Stephane Audran

Les personnalités de Ganio et Fukuma se complètent aussi parfaitement que deux pièces d’un puzzle s’assemblent. En alternance avec le comédien le plus souvent, parfois en accompagnement de ses paroles, le pianiste manifeste une écoute de chaque instant envers son partenaire (des pages de Bach et de Rameau ont été choisies, les premières symbolisant l’élément masculin, celles du Français le féminin), avec un toucher riche et nuancé.
Un création, certes perfectible (le retour à quatre reprises du Prélude en ut majeur du Clavier Bien Tempéré mériterait d’être reconsidéré, pour laisser place à un peu plus de danse), mais qui, telle quelle, a remporté un succès aussi vif que pleinement mérité.
On espère vite revoir « Le Rappel des Oiseaux » sur d’autres scènes !
 
Alain Cochard

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Paris, Café de la Danse, 16 mai 2016
 

Photo © Stéphane Audran

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