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La Princesse Jaune de Saint-Saëns à l’Opéra de Rennes - Une perle inconnue - Compte-rendu

On a beau être en France, on n’y avait jamais vu La Princesse Jaune. Pourtant ce sera le premier opéra que Saint-Saëns, lui, aura vu monté (en 1872 à l’Opéra Comique), Samson et Dalila n’ayant pas trouvé alors les chemins de la scène, et cette merveille inconnue que reste Le Timbre d’argent ayant vu sa première reportée aux calendes grecques.
Conscient de la difficulté de ses deux premiers ouvrages qui exigeaient de grands moyens, Saint-Saëns fut sensible au format court et à l’effectif modeste – deux chanteurs, un orchestre économe – que le livret de Camille du Locle, habile par le sujet plutôt que par son écriture, lui offrait. L’exotisme japonisant du thème charmait naturellement son goût des atmosphères sonores exotiques.

L’œuvre est plus que simplement délicieuse, et sa référence au style opéra-comique, donc avec dialogues parlés, de pure circonstance, car Saint-Saëns y dessine avant tout la personnalité complexe du rêveur Kornélis amoureux par un vin d’opium d’une princesse japonaise dont il désire l’image. L’opium s’efface, et il comprend alors qu’il aime sa cousine Léna (les mœurs bourgeoises du temps ne se choquaient pas d’unions entre cousins fussent-ils directs ; on a bien régressé depuis…), que La Princesse Jaune n’était que transfert. Freud se serait frotté les mains, il aurait tenu là l’exemple le plus idéalement simpliste pour illustrer sa théorie. La sobre mise en espace de Vincent Tavernier se garde bien de plonger dans ce miroir aux alouettes et c’est tant mieux.

Si le rôle de Léna n’est qu’anecdotique, mais Benédicte Tauran lui donne une jolie présence, la partie de Kornélis est de haute volée, et demande un grand ténor capable d’aigus de grâce. Jean-François Borras qui nous avait fait chavirer en Des Grieux à la Bastille voici peu, plie ses grands moyens à la salle modeste de l’Opéra de Rennes. Tout y est, la sensibilité sans la mièvrerie, le style sans l’affectation, la puissance sans la lourdeur, et ses aigus sur le fil qu’on ne cesse d’admirer. Il rend justice à cette perle inconnue du répertoire lyrique français, il se doit de l’enregistrer.

Claude Schnitzler dirige tout cela avec beaucoup d’attention et de métier, même s’il ne peut masquer les limites de l’Orchestre de Bretagne. En lever de rideau, il avait mis bien de la poésie à la Suite algérienne qui a fait si longtemps les délices du public des associations symphoniques de province, musique dont le temps est passé, délicieuses scènes de genre que Massenet pratiqua également dans une veine plus strictement hexagonale. Toute une nostalgie nous saisissait, en sortant du théâtre on s’attendait sinon à des chameaux ou à des pagodes, du moins à des fiacres. Mais non, voitures et techno. La vraie vie y paraît.

Jean-Charles Hoffelé

Saint-Saëns : La Princesse Jaune - Rennes, Opéra, 10 mars, dernière représentation le 14 mars 2012 www.opera-rennes.fr.
Le spectacle est repris le 16 mars à Quimper (Théâtre de Cornouaille / www.theatre-cornouaille.fr )
Une production inscrite dans le cadre de Bretagne-Japon 2012
infos : www.bretagne-japon2012.fr/autour-des-expositions/articles/operas-concert...

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Photo : DR
 

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