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​La Petite Messe solennelle de Rossini par la Co[opéra]tive à l’Athénée – De la brocante aux cieux – Compte-rendu

 

 
Quelle riche idée Matthieu Rietzler, directeur de l’Opéra de Rennes, a-t-il eue en suggérant à Jos Houben de s’intéresser à la Petite Messe solennelle de Rossini ! Avec sa collègue étatsunienne Emily Wilson, le metteur en scène belge a imaginé un surprenant spectacle, créé sur la scène bretonne en décembre 2019. La Co[opéra]tive – qui tient là l’une de ses meilleures productions – l'a repris pour une tournée d’une dizaine de dates commencée fin février : après Quimper, Redon, Morlaix, Plancoët et Tourcoing, elle prend fin (le 1er avril) dans la bonbonnière de l’Athénée, sous des applaudissements particulièrement chaleureux. Enthousiasme légitime !
 

© Laurent Guizard
 
1863 : le musicien avait depuis très longtemps quitté les scènes lyriques lorsqu’il composa son « ultime péché de vieillesse. » Par la volonté des metteurs en scène, la Petite Messe solennelle ramène Rossini au théâtre. L’action prend place dans une gymnase, où bientôt s’installe l'improbable bric-à-brac d’une brocante : d’un buste de napoléon à du matériel médical en passant par force nippes et couvre-chefs (dont le ténor solo fera le meilleur usage lors du Domine Deus !), on trouve de tout. Et surtout de quoi nourrir la profusion de gags, de situations drôles et absurdes (sur lesquelles planent l’esprit de Jacques Tati et de Chaplin) qui foisonnent jusqu’au Cum Sanctu Spiritu.
 

© Laurent Guizard 

Changement de décor : la scène est promptement débarrassée de sa joyeuse pagaille et le spectacle, à partir du Credo, s'épure et se fait plus grave – mais non moins riche de belles idées scéniques (superbes lumières de Christophe Schaeffer !). « L’habitacle sans magnificence d’un esprit mortel », comme le désignait Bloy, n’est pas inaccessible à des préoccupations plus métaphysiques ... Prenants moments que le Et resurrexit dans la pénombre ; le Preludio religioso, morceau uniquement instrumental – souvent victime de claviéristes peu inspirés ! – d’une prégnante force ici, grâce aux excellentes Colette Diard (piano) et Elodie Soulard (accordéon) et à la poésie flottante, errante, étrange, dont la mise en scène le nimbe, avec des personnages évoluant visages tournés vers le ciel ; ou encore le O Salutaris au cours duquel la soprano solo forme des couples, avant un Agnus Dei (avec le chœur en coulisse) aussi sobre qu’ardent.
 

© Laurent Guizard
 
Blandine de Sansal y fait merveille, tout comme, depuis le départ, les sopranos Estelle Béréau et Violaine Le Chenadec, la basse Ronan Airault et le lumineux Sahy Ratia (remarqué on s'en souvient dans la séduisante Dame blanche de la Co[opéra]tive). Présent sur scène, en salopette d’agent de surface, Gildas Pungier dirige tout ce beau monde, et les membres du Chœur de chambre Mélisme(s), d’un geste aussi sobre qu’efficace – s’amusant parfois à hésiter entre battue et bénédiction. On s’en voudrait de ne pas nommer Nathalie Baunaure, Jofre Caraben et Marc Frémont, trois comédiens qui apportent des contributions essentielles à un spectacle aussi singulier que totalement abouti.
Encore trois dates : courrez-y !

Alain Cochard

Rossini : Petite Messe solennelle – Paris, Théâtre de l’Athénée, 26 mars ; prochaines représentations les 29, 31 mars, 1er avril 2023 // athenee-theatre.com/saison/spectacle/la-petite-messe-solennelle.htm
 
Photo © Laurent Guizard

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