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La Belle-Mère amoureuse à l’Amphithéâtre de la Bastille - Parodie dans la parodie - Compte-rendu

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Produit par le Centre de musique baroque de Versailles, La Belle-Mère amoureuse, parodie d’Hippolyte et Aricie de Rameau, poursuit sa prospère carrière itinérante. Le spectacle avait été créé en janvier 2014 – lancement de l’année Rameau – à Malte, pour ensuite se perpétuer de l’Opéra de Vichy à l’Opéra-Comique de Paris, essaimer les festivals du Midsummer d’Hardelot (1) et de Sablé, se faire l’ambassadeur de la culture française de Prague à la Chine. Il vient cette fois faire étape à l’Amphithéâtre de la Bastille, dans le cadre des séries « Jeune public » de l’Académie de l’Opéra de Paris. Alors que le voyage est appelé à se poursuivre, comme au Théâtre impérial de Compiègne et au Festival Haendel de Bernbourg (Allemagne).
 
Ce qui est tout à fait dans l’esprit de la pièce, spectacle de foire, comme il en était des parodies de la Foire Saint-Germain de Paris au XVIIIe siècle. Car le projet s’inspire lui-même de deux parodies d’époque, dues à  Riccobini et Romagnesi (en 1733) et à Charles-Simon Favart (en 1742). Mais quelque peu modifiées, réécrites et adjointes de morceaux annexes. C’est ainsi qu’à des extraits détournés d’Hippolyte, s’ajoutent d’autres toujours de Rameau (venus des Indes galantes, de Platée, du Temple de la gloire…), des petites incursions sur des thèmes populaires (J’ai du bon tabac, Frère Jacques…) et même un emprunt à Gluck (« Divinités du Styx », d’Alceste). Parodie dans la parodie. Le jeu pour l’auditeur averti étant alors de reconnaître ces extraits et de les resituer dans leur contexte d’origine : jeu des devinettes, auquel se confronte et est appelé à se perdre tout mélomane un tant soit peu au fait de Rameau et du baroque lyrique français.
 

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@ Pascal Brunet
 
C’est Jean-Philippe Desrousseaux qui a conçu le spectacle, avec l’aide de Benoît Dratwicki pour les recherches et adaptations musicales. Le tout pour marionnettes et leur petit théâtre, dans l’exact héritage de la pratique des foires populaires et irrévérencieuses du siècle des Lumières. Pour une réalisation d’une indéniable et exemplaire réussite.
 
À l’Amphithéâtre de la Bastille, le petit théâtre de tréteaux, les belles marionnettes (fabriquées de Prague par Petr Řezač) et leur joli décor de toiles peintes en perspectives baroques (dessinées par Antoine Fontaine), sous des éclairages choisis (par François-Xavier Guinnepain), s’insèrent délicieusement. Les sept instrumentistes de l’Ensemble Philidor mené par Mira Glodeanu sonnent avec une acuité surprenante. Tant il semble que l’acoustique du lieu leur soit favorable. En dépit d’une orchestration grêle qui n’est pas celle luxuriante de Rameau, mais à laquelle on s’accoutume vite. Et puis, ce n’est pas véritablement du Rameau ! sinon sa transposition. Associés à Desrousseaux, les deux autres marionnettistes, Gaëlle Trimardeau et Bruno Coulon, en sus de leur dextérité dans les maniements filins, prêtent leur voix parlée et poussent la note à l’occasion avec une franche assurance. Pendant que Caroline Meng et Alain Buet, Phèdre hystérique et Thésée nigaud, s’emparent d’élans lyriques de circonstance. Les uns et les autres avec bagout à travers des répliques d’une drôlerie désopilante. Les enfants et leurs parents, qui forment le gros du public, en redemandent.
 
Pierre-René Serna

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La Belle-Mère amoureuse (parodie d’Hippolyte et Aricie de Rameau) – Amphithéâtre de la Bastille, Paris, 12 février 2016 ; prochaines représentations : Théâtre impérial de Compiègne, 12 mai (www.theatre-imperial.com/detail-evenement.aspx?card=39897&cardo=39897, Festival Haendel, Bernbourg, 4 et 5 juin 2016
 
 
(1) Lire le compte-rendu : www.concertclassic.com/article/hippolyte-et-aricie-ou-la-belle-mere-amoureuse-au-5eme-midsummer-festival-dhardelot-quand-la

Photo © Pascal Brunet

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