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« Episodes de la vie d’un artiste » par le Palais Royal – Berlioz à gros trait – Compte-rendu

Incontestablement la troupe du Palais Royal s’est fait plaisir avec ce nouveau spectacle. D’autant plus, qu’il se donnait dans la salle du premier Conservatoire, lieu mythique s’il en est, où Berlioz étudia, composa, dirigea et qui entendit la création de la Symphonie fantastique en décembre 1830.
Cette vibration historique a donné des ailes à l’ensemble qui jouit depuis sept ans du privilège de se produire dans ce lieu classé, comme s’est empressé de l’expliquer longuement Jean-Philippe Sarcos (directeur musical du Palais Royal) en préambule. Et d’ajouter avec enthousiasme que le décor originel en arc de cercle du fond de scène, était remonté pour la première fois depuis la création de la salle.
 

© Mylène Latour

Sur le papier, l’idée est séduisante. A partir de plusieurs écrits de Berlioz, dont ses Mémoires, le musicologue Emmanuel Reibel a concocté un livret et trouvé un fil rouge dramaturgique : au moment de la création de l’opéra Béatrice et Bénédict, un chœur répète joyeusement, avant de se rebeller en déchiffrant l’ «Epithalame grotesque», se sentant soudainement méprisé. Berlioz s’en explique et fait revivre aux chanteurs plusieurs de ses révélations ou souvenirs musicaux : Salieri, Gluck, Cherubini, Rossini et bien entendu le compositeur lui-même. Car oui, contrairement aux idées reçues, l’opéra, la voix, Hector aimait ça.
Chœurs issus d’Orphée, de Guillaume Tell, des Danaïdes, d’Armide ou de la Damnation de Faust : les pages retenues sont splendides. Le chœur du Palais Royal, très impliqué et heureusement détaché des partitions, se donne avec ardeur, pendant près de deux heures, et offre une prestation de bonne tenue (accompagnée par le pianiste Orlando Bass).

© Mylène Latour
 
Ceci dit, deux heures peuvent paraître longues. A vouloir trop en faire, à trop vouloir bien faire, de peur peut-être de la folie toute berliozienne, nous voici paradoxalement, proche de la caricature… Berlioz (Frédéric Le Sacripan) hurle sa souffrance amoureuse ou sa passion pour Shakespeare, main sur le cœur, Cherubini est représenté en méchant royaliste décadent, avec perruque et accent italien plus qu’appuyé, Berlioz se bouche même les oreilles avec dégoût quand vient la musique solaire de Rossini… Quelle vision manichéenne simpliste.
On regrette pour ce spectacle qui se voulait ambitieux, la vision décalée ou poétique, d’un metteur en scène utopiste. Un Berlioz à gros trait, pas si fantastique que ça, donc.
 
Gaëlle Le Dantec

Paris Salle du Conservatoire d’Art Dramatique, le 12 janvier 2019

Photo © Mylène Latour

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