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Compte-rendu : Montpelliérain désormais - 2ème Concours International de direction Evgeny Svetlanov

Lancé au Luxembourg il y a trois ans, le Concours International de direction d’orchestre Evgeny Svetlanov s’est installé à Montpellier. Un choix somme toute logique pour qui se souvient des fréquentes apparitions du charismatique maestro et de son Orchestre Symphonique de Russie à Montpellier dans le cadre du Festival de Radio France (il y dirigea Madame Buttterfly en 1996, sa dernière apparition dans un ouvrage lyrique). « La France était pour le maestro sa deuxième patrie et Montpellier l’une de ses villes préférées » rappelle Nina Svetlanova, veuve du chef disparu en 2002.

Fort des liens étroits qu’il avait tissés avec Svetlanov, René Koering est parvenu, avec l’appui de Marina Bower, impresario longtemps proche de l’artiste russe, à attirer le Concours Svetlanov à Montpellier. Avec un succès qui aura valu au surintendant de longues séances de visionnage... 354 dossiers de candidature - 354 vidéos donc ! - ont en effet été adressés au Concours ; 30 seulement ont été sélectionnés pour aboutir in fine à une liste de 18 candidats présents sur la ligne de départ des épreuves de qualification le 10 mai dernier. Présidé par Vladimir Ashkenazy, le jury avait pour tâche de distinguer trois lauréats, que l’on a pu découvrir lors du concert de gala qui clôturait la compétition. Magnifique palmarès que celui de ce 2ème Concours, avec de jeunes chefs aux personnalités bien tranchées et dont on n’a sûrement pas fini d’entendre parler.

1er Prix, le Letton Andris Poga (30 ans) (photo), a travaillé à Vienne, avant de bénéficier des conseils de Seiji Osawa, Mariss Jansons ou Leif Segerstam. Physique imposant, démarche assurée, l’autorité naturelle et le métier déjà solide du jeune artiste se manifestent dès l’entrée en scène… et se confirment dans une superbe Symphonie n°4 de Tchaïkovski ! Parvenus au bout d’une semaine épuisante, les instrumentistes de l’Orchestre National de Montpellier rassemblent toutes leurs forces sous sa baguette pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Fervent, ardent, jamais pesant, Andris Pogan signe une interprétation tenue et engagée. Toute l’urgence de cette symphonie du fatum se déploie, sans rien concéder au spectaculaire, avec un beau sens du phrasé et une constante capacité de relance du discours. Et que de poésie dans l’Andantino et le Scherzo – dirigé sans baguette avec un irréprochable sens du détail.

« Quelle chance d’avoir un tel partenaire… », confie l’Allemand Christoph Alstaedt (2ème Prix, 30 ans) dans les coulisses, au terme d’une soirée où il accompagnait Aldo Ciccolini dans le Concerto en la mineur de Schumann. Le pianiste pouvait renvoyer le compliment à un jeune partenaire qui dispose déjà d’une sérieuse expérience de la baguette. Pianiste à l’origine – il a étudié avec Jean-Efflam Bavouzet entre autres -, Alstaedt a travaillé avec Jorma Panula et Kurt Masur, avant d’être conducting fellow pour un Don Giovanni à Tanglewood. Il a aussi eu l’occasion d’assister Pierre Boulez à Lucerne et de conduire plusieurs orchestres allemands. Altstaedt se met tout entier au service de la conception lyrique et nuancée de Ciccolini, fait toujours corps avec la large respiration qu’adopte le maître dans une partition qui n’est que dialogue amoureux entre le clavier et l’orchestre. Sans occuper le premier plan, il prouve qu’il est musicien de premier ordre - que l’on s’impatiente de réentendre ! Fait significatif, l’artiste a en outre obtenu le Prix du public et le Prix de l’orchestre…

3ème Prix, l’Israélien Daniel Cohen (26 ans) a été formé à la Royal Academy of Music de Londres. Il a déjà raflé les premiers prix des Concours Admont et Youri Ahronovitch et travaille avec Daniel Barenboim dans le cadre du West-Eastern Divan Orchestra, sans parler de nombreuses collaborations avec divers orchestres, de Graz à Jérusalem en passant par Kiev.

On aurait aimé le découvrir dans une partition plus essentielle que les Tableaux d’Espagne de Svetlanov, mais bien des qualités s’exprimaient déjà là. D’une précision impeccable, Cohen sait mettre en relief le rutilant ouvrage sans rien d’excessif ni de vulgaire. On imagine que ce sens des timbres, cette clarté, cette énergie un peu distanciée pourraient réserver de belles surprises dans la musique française du début du XXe siècle ou dans des répertoires plus contemporains. A suivre là encore.

Signalons enfin que le jury a par ailleurs décerné deux diplômes de « lauréat », le premier à l’Américain Robert Trevino (26 ans), l’autre au Vénézuélien Domingo Hindoyan (30 ans).

Rendez-vous à Montpellier en 2013 pour le 3ème Concours Svetlanov !

Alain Cochard

Montpellier, Le Corum, 15 mai 2010

Pour plus d’informations sur Evgeny Svetlanov et le Concours qui lui est désormais dédié : www.svetlanov-evgeny.com

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Photo : Marc Ginot
 

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