Interpréter en une seule soirée l’intégrale des dix Sonates pour violon et piano de Beethoven tient du défi relevé par Renaud Capuçon et Franck Braley dans le cadre de ces fameuses « Nuits du piano » initiées par René Martin au Festival de La Roque d’Anthéron. On pouvait craindre que l’exploit sportif l’emporte sur la musique pure, que l’endurance prévale sur l’imagination, d’autant que ces sonates, hormis la célèbre 9e « A Kreutzer » et la 10e en sol majeur, ne peuvent se comparer en densité et en innovation à celles pour piano. Le parti-pris qui consiste à suivre chronologiquement le geste créateur d’un compositeur présente un caractère séduisant mais peut aussi lasser si les interprètes n’en saisissent pas toute la dimension.

Les deux musiciens qui se connaissent bien semblent favoriser un dialogue, un échange propre à la musique de chambre, plutôt que de choisir l’affrontement, l’empoignade, les coups de boutoir typiques du style concertant déjà présents dès les trois premières Sonates op.12. L’archet parfait de Renaud Capuçon (photo) dans la conduite de la ligne et du phrasé, l’élégance de sa sonorité comme la subtilité mozartienne du jeu de Franck Braley, conviennent incontestablement mieux aux instants de poésie des oeuvres les plus chantantes (excellente Sonate n°5 « Le Printemps » !). Les fureurs, les éclats dialectiques (Allegro con brio de la Sonate n°7) échappent quelque peu à ce traitement sans arêtes et sans alacrité. La fatigue compréhensible au terme de ce marathon nous laisse sur notre faim dans la sublime Sonate n°10 en sol majeur : la justesse du violoniste jusqu’alors sans défauts se fait parfois approximative mais les intentions demeurent malgré la volonté de ne jamais sortir de ses gonds. Succès mérité autant pour l’exploit que pour la réalisation qui ne convainc sommes toutes que partiellement.

Michel Le Naour

Festival International de piano de La Roque d’Anthéron - Parc du Château de Florans - 18 août 2009

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Photo : DR