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Compte-rendu : Geoffroy Couteau au 31e Festival Piano aux Jacobins - Intense pudeur

A chaque lieu les programmes les plus adaptés : Piano aux Jacobins a décidé d’installer à l’Auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines les récitals organisés en collaboration avec la Fondation Bru-Zane. Appui du Centre de musique romantique française oblige, nul ne s’étonne que ces programmes fassent la part belle à des ouvrages français, souvent rares, du XIXe et du début du XXe siècle.

Très ouverte aux interprètes de la jeune génération, à l’instar de l’ensemble du 31e Festival, la série recevait Geoffroy Couteau pour une soirée Alkan/Chopin. D’un point de vue historique, le couplage entre ces deux contemporains et amis va de soi mais l’auteur des « Quatre Âges » n’en demeure pas moins rarissime dans les récitals, en particulier sous les doigts d’interprètes français. On ne peut que se réjouir de voir l’un d’entre eux franchir le pas - d’une façon aussi intelligente et musicale de surcroît.

Dans la 3ème Suite des Trente Chants, Geoffroy Couteau trouve toujours le coloris et le ton requis, sans chercher à faire dire à la musique - qui n’est ni celle de Chopin, ni celle de Liszt, ni celle de Schumann… - plus qu’elle ne le peut. On se laisse prendre par la simplicité et la poésie avec lesquelles il explore ce cahier contrasté, sans jamais surcharger le lyrisme (Vivante, Barcarolle) ni tirer la virtuosité de certaines pièces (Esprits follets, Horace et Lydie) vers un propos trop extérieur. Aussi réussies, les Etudes op 39/3 (Scherzo diabolico) et op 35/5 (Allegro barbaro) font mouche avec précision, énergie rythmique et parfait sens du caractère.

Du caractère, le Chopin de Geoffroy en possède au plus point. L’archi-rebattue Ballade n°1 respire avec une rare évidence. Là où certains en font parfois des tonnes, le pianiste allie clarté et équilibre – auxquelles la formidable acoustique du lieu rend parfaitement justice – à un sens narratif d’une intense pudeur.

A d’autres « les gros sentiments du cinématographe», pour reprendre les mots de Wanda Landowska. « Un Couperin teinté de romantisme » : on songe également à la formule de la claveciniste (et pianiste !) en écoutant les Préludes interprétés par Geoffroy Couteau. Le trait n’est jamais forcé (pas d’alanguissement inutile sur les nos 4 et 6, ni de coup de cravache lisztien sur le n°16 par exemple) ; le caractère de chacun des épisodes n’en ressort que mieux, tandis que la grande arche du cycle se tend, conjuguant sens dramatique et ampleur de la respiration.

En bis, la palette sonore subtilement nuancée de Geoffroy Couteau émerveille une dernière fois dans l’Opus 117 n°1 de Brahms, caressé par l’aile d’un ange.

Il vous reste encore deux occasions d’entendre l’artiste dans ce programme Alkan/ Chopin : le 9 février au Palazetto Bru-Zane à Venise et le 27 mai à la Bibliothèque Royale de Belgique. Si l’une d’entre elles se présente, ne la manquez surtout pas !

Alain Cochard

Festival Piano aux Jacobins, Toulouse, Auditorium Saint-Pierre-des-Cuisines, le 6 septembre 2010

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