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Compte-rendu - Danse : Le Ballet de Saint-Pétersbourg au TCE - un Lac fantôme

Etrange comme ce Lac de Cygnes présenté par le Théâtre de Ballet de Saint-Pétersbourg, sonne le glas d’un art dont la splendeur est douloureusement lié à sa fragilité. Tout y est, pourtant, où à peu près : la compagnie, fondée il y a quinze ans en marge des lourdes structures étatiques qui ont préservé le classicisme, et aussi les performances du ballet russe, fonctionne, assure-t-elle, sans sponsors, et témoigne d’une incontestable fidélité aux sources.

Ses soixante danseurs, formés au moule russe, souvent celui de la légendaire Ecole Vaganova de Saint-Pétersbourg, et confrontés depuis l’enfance au style Petipa, offrent des performances correctes, conformes à la technique locale, l’en dedans y compris. La relecture de l’œuvre est stricte, avec même les moments purement ornementaux qui cassent l’intensité dramatique du dernier acte, et que Vladimir Bourmeister, responsable de la version présentée par l’Opéra de Paris avant celle de Noureev, supprima avantageusement dans sa belle et sobre relecture. Il y a même une étoile de première grandeur, qui canalise autour de son nom toutes les forces vives de la troupe, la pétersbourgeoise Irina Koleskinova, au physique dur mais à la technique étourdissante. Souple comme une liane, les bras ondulant comme mousseline au vent, le fouetté vigoureux, la prima ballerina incarne avec brio et conscience tous les grands rôles du répertoire que la troupe promène à travers le monde, de la troublante Nikiya de La Bayadère à la frétillante Kitri de Don Quichotte et à la touchante Giselle.

Pourtant, l’émotion n’est pas au rendez-vous, les chaussons des danseuses ont l’air fatigués, elles plus encore, et le style mérite, dans un sens péjoratif, le nom à double tranchant d’académique : la troupe, a pour tout dire, l’air de s’ennuyer. Bref, ce qui pourrait être une plongée tragique dans l’âme noire de la Russie cadrée par la pureté des mouvements dessinés par Petipa, se déroule ici comme une assez morne récitation. Etrange que ces jeunes gens formés à une technique qui est une véritable ascèse, et qui, pour la plupart en ont dominé les difficultés, ne profitent pas de la chance qui leur est donnée de parcourir le monde et la scène de tous les rêves pour y puiser joie et flamme artistique. On leur souhaite de retrouver le feu sacré pour les deux spectacles qui les ramèneront à Paris, cet automne, sur cette même scène, Giselle et Don Quichotte.

Jacqueline Thuilleux

Tchaïkovski : Le Lac des Cygnes : Paris, Théâtre des Champs-Elysées, le 23 mai 2009

> Programme détaillé du Théâtre des Champs-Elysées

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Photo : DR
 

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