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Compte-rendu : Allemagne / Festival Beethoven de Bonn - Christian Vazquez, le flamboyant 

Peu de festivals européens peuvent se prévaloir d’une aussi opulente et intelligente programmation, pleine de créativité non débridée et de talents nouveaux, outre les géants qui soutiennent l’édifice de leurs puissants piliers, tels l’Academy of St Martin in the Fields et Sir Neville Marriner, le Bayerischer Staatsorchester avec Kent Nagano, la Stattskapelle de Dresde et Sir Colin Davis, la sublime Deutsche Kammerphilharmonie Bremen avec Paavo Järvi dont l’aventure beethovénienne est ici idéalement en place, ou encore notre Orchestre National et Daniele Gatti. Et des solistes comme Matthias Goerne, Angelika Kirchschlager, Jan Vogler, Sol Gabetta et Andras Schiff. La tâche était lourde cette année : ne pas perdre de vue le dieu tutélaire de la ville, Beethoven, mais aussi célébrer Schumann et Mahler et, au bout de ces visites obligées, garder l’esprit clair et ouvert pour découvrir d’autres horizons, d’autres profils.

Le festival, dont le thème était cette année « Utopia and Freedom in Music», a montré une clairvoyance et un flair remarquables dans sa galerie de découvertes. A commencer par ce qui fut un événement festif et magnifique : la venue du deuxième orchestre du Sistema mis en place par le Dr José Antonio Abreu, dont l’autorité morale couronnait la manifestation. En effet, qui n’a été séduit par l’énergie volcanique et infiniment touchante de l’Orchestre des Jeunes du Vénézuela, grâce notamment au charisme et à la personnalité explosive de leur chef Gustavo Dudamel ? Voici le second avec un flamboyant chef de vingt-six ans, Christian Vasquez, choisi par Dudamel et Abreu pour diriger lors de leur sortie d’Amérique du Sud les fringants musiciens composant le Teresa Careno Youth Orchestra of Venezuela.

Et là, devant une salle déchaînée, ce fut une soirée mémorable que cette ouverture du Candide de Bernstein, ces 5e de Tchaïkovski et de Beethoven lancées avec une énergie, un engagement, et un talent irrésistibles. Ensuite, même cérémonial qu’avec Dudamel : les musiciens apparaissent vêtus des couleurs du Vénézuela, et se déchaînent dans une musique débridée, lançant leurs instruments en l’air et tournoyant en criant joyeusement. Le sage public bonnois en presque tiré une ola ! Bref, on peut presque se consoler de ce que Dudamel soit de plus en plus absorbé par ses fonctions à Los Angeles : la relève est assurée et le Vénézuela, grâce à la foi d’une poignée de missionnaires, devient une pépinière de musiciens, avec 350.000 enfants touchés par le Sistema.

Outre ce grand bol d’espoir venu du Nouveau monde, on a pu apprécier, au sein de plus de soixante manifestations, des moments de luxe, calme et volupté, comme le récital de deux fortes personnalités en phase dans leur jeu vigoureux et passionné : celui de Gautier Capuçon, en ascension constante et de sa partenaire, Gabriela Montero, emportée, la main un rien trop lourde, mais riche d’une couleur et d’une vitalité qui l’ont menée sur les traces- seulement - de Martha Argerich. Beethoven, Rachmaninov, Prokofiev : ce fut un torrent que ce concert donné dans la petite salle de concert de la Maison de Beethoven. Un lieu privilégié, recueilli.

Jacqueline Thuilleux

Bonn, les 27 et 28 septembre

Beethovenfestbonn, du 10 septembre au 9 octobre 2010 (programmation détaillée : www.beethovenfest.de/veranstaltung/)

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