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Centre de Musique de Chambre de Paris – De l’art de se renouveler – Compte-rendu

Un bref concert à 19h30,  un « Freshly Composed » pendant la pause, un concert scénarisé autour d’une grande œuvre du répertoire à 21h : les soirées au Centre du Musique de Chambre de Paris, salle Cortot, obéissent à un découpage bien précis. Pourtant, chaque programme proposé par Jérôme Pernoo et son équipe est une aventure nouvelle qui témoigne d’une rare capacité à se renouveler.

Florian Hille & Tanguy de Williencourt © DR

Le Centre commence 2018 avec un nouveau doublé, totalement différent mais pas moins convaincant que le précédent (1). Après son magnifique Winterreise en mars dernier, Florian Hille retrouve la scène de la rue Cardinet dans le Dichterliebe de Schumann. Quelques mois seulement nous séparent de la précédente apparition du jeune artiste allemand ; ils lui auront suffi pour beaucoup progresser dans son art. Porté par l’intelligence du piano de Tanguy de Williencourt, le baryton-basse embarque son auditoire dans un fabuleux voyage, sachant tirer tout le suc poétique de chacun des seize morceaux de l’Opus 48 – poésie intense, tantôt tendre et émerveillée, tantôt brûlante et désespérée – que « Die alten, bösen Lieder » referme. Et après que la voix s’est tue, le piano de De Williencourt vient clore cette ultime pièce avec un art des couleurs et des parties intermédiaires admirable, à l’image de l’accompagnement qu’il a offert à F. Hille depuis le départ. Grand moment, que prolonge en bis le «Ich bin der Welt abhanden gekommen » des Rückert-Lieder de Mahler, aussi vécu et habité que le Schumann.

Du chant encore au moment du « Freshly Composed », et la preuve que le talent est affaire de famille chez les Pernoo ! Frère cadet de Jérôme, Joseph est baryton et compositeur : avec Karine Selo au piano, il présente trois mélodies de sa main (sur des vers de Baudelaire et Apollinaire), pleinement inscrites dans la tradition française du genre, et les défend avec une belle ardeur.

© Julien Hanck

Seconde partie d’humeur plus légère puisqu’il s’agit de retrouver Dvořák dans le salon de Mrs Thurber (la fondatrice du Conservatoire de New York) en 1892 lors de son arrivée aux Etats-Unis. Deux voix enregistrées de comédiens (Elsa Rooke et Jonno Slysa), excellents, dialoguent au long d’un spectacle (imaginé par Jérome Pernoo et Marianne Pernoo-Bécache) tandis que des documents d’époque, photographiques ou sonores, le ponctuent avec habilité et apprennent beaucoup sur les sources d’inspiration du compositeur. Vous n’écouterez plus jamais le Scherzo de la Sonatine op. 100, le Lento du Quatuor « Américain » ou la fameuse Humoresque après les avoir entendus ainsi mis en situation, en résonance avec leurs origines.

 Le Quintette pour piano en la majeur (887-1888) n’appartient pas au compositions américaines de Dvořák ? Certes, mais quel meilleur moyen que cette partition puissamment tchèque pour suggérer le mal du pays qui gagnait son auteur outre-Atlantique ? Avec Liya Petrova et Raphaëlle Moreau (violon), Violaine Despeyroux (alto), Ivan Karizna (violoncelle) et Guillaume Vincent au piano – tous sans partition comme toujours au Centre –, l’Opus 81 jaillit, chante et vibre avec une spontanéité et un équilibre qu’il n’est pas donné de savourer tous les jours. Une pure merveille.
Le Dichterliebe et Le Quintette de Dvořák tiennent l’affiche à Cortot, les jeudis, vendredis et samedis, jusqu’au 27 janvier, ne les manquez sous aucun prétexte ! Notez enfin que, dès le 28 (à 17h), le spectacle Dvořák est repris dans le cadre des Musicales de Croissy. (2)

Alain Cochard
Paris, salle Cortot, 12 janvier 2017

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(1) www.concertclassic.com/article/rentree-du-centre-de-musique-de-chambre-de-paris-ils-font-un-mahler-compte-rend
(2) www.lesmusicalesdecroissy.com/ 

Paris, salle Cortot, 12 janvier 2018
Florian Hille & Tanguy de Williencourt
Schumann : Dichterliebe
18, 19, 20, 26 & 27 janvier 2017 – 19h30
Liya Petrova, Raphaëlle Moreau, Violaine Despeyroux, Ivan Karizina & Guillaume Vincent

Quintette pour piano op. 81 de Dvořák / «Une soirée chez Mrs Thurber »
18, 19, 20, 26 & 27 janvier 2017 – 21h
www.centredemusiquedechambre.paris

Photo © Julien Hanck

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