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Benvenuto Cellini au Festival Berlioz – Ciselé - Compte-rendu

Grande première au Festival Berlioz de La Côte-Saint-André : Benvenuto Cellini ! Depuis la création en 1994 de ce festival (succédant à celui animé jusqu’en 1989 par Serge Baudo à Lyon), l’opéra n’y avait jamais été donné. Cruelle lacune, s’agissant d’une des œuvres majeures de Berlioz (en compagnie des Troyens, qui attendent toujours, mais semblent envisagés). En l’espèce, la production est ici redevable d’Allemagne, et plus précisément de Cologne. Car c’est ainsi que les opéras de Berlioz sont plus fréquemment représentés outre-Rhin que dans le pays de leur auteur, et ce depuis les temps de sa vie même.
 

Affiche de Benvenuto Cellini en 1838 à l'Académie Royal de Musique (document présenté dans le cadre de l'exposition "Benvenuto Cellini" © Musée Hector Berlioz de La Côte-Saint-André)
 
Débarquent donc, dans la bourgade natale du compositeur, les troupes réunies du spectacle que nous avions vu en novembre dans la ville des bords du Rhin (1). Mais cette fois-ci en version de concert. Se retrouvent ainsi les mêmes composants musicaux, à une seule exception près ; à noter que ce concert prélude lui-même à une reprise du spectacle colonais (2). D’où, sous la direction méticuleusement déchaînée d’un François-Xavier Roth, actuel Generalmusikdirektor de la Ville de Cologne, une réalisation parfaitement rodée et aboutie de ce « super opéra » (selon le mot du maestro). Car est présentée l’impétueuse et exigeante version originale, dite « Paris 1 » et correspondant à l’état initial de son achèvement en 1838, dans la multiple splendeur de ses audaces premières. Et cette fois plus fidèlement qu’à Cologne ; en omettant de façon justifiée le premier air de Cellini, écrit postérieurement, bien que soit toujours conservé, malencontreusement, l’air d’Ascanio du second acte (lui aussi provenant des versions ultérieures).
 
Le premier tableau du premier acte souffre toutefois d’un déséquilibre sonore : l’orchestre, directement sur le plateau et hors de toute fosse (au sein de l’auditorium provisoire sis dans la cour du château côtois), ayant tendance à couvrir les voix solistes. Mais peu à peu l’équilibre se fait, et s’accomplit jusqu’à un second acte irradiant de tous ses ingrédients musicaux ardemment conjugués. Parmi les solistes, tous seraient à citer, au sein d’un véritable travail de troupe (comme il n’en existe pas dans les Opéras de France), d’une parfaite cohésion. Demeurent ainsi judicieusement adaptés, sinon encore mieux : Ferdinand von Bothmer, Cellini endurant et de style adéquat avec ses aigus de tête, malgré quelques notes arrachées ; Emily Hindrichs, dans l’élan délicat qui sied à Teresa ; Vincent Le Texier, seul francophone de la distribution et Balducci diseur avec brio ; Katrin Wundsam, Ascanio de resplendissante facture ; Nikolay Didenko, Pape tout en onction majestueuse… Mais aussi Miljenko Turk, le petit nouveau de la distribution, Fieramosca d’une irrésistible faconde bien lancée.
 
L’Orchestre du Gürzenich de Cologne et le Chœur de l’Opéra de Cologne ne sont pas en reste, entre ardeurs et raffinements mêlés. « Honneur au maître ciseleur ! », pour paraphraser le livret en honneur à Roth. Tout juste peut-on regretter l’absence de surtitres, qui auraient aidé des auditeurs quelque peu perdus dans la compréhension de cette trame échevelée tout à la gloire de l’artiste, le ciseleur de la Renaissance italienne Cellini (ou Berlioz lui même), dans son combat contre Dieu et les hommes.
 
Pierre-René Serna

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(1) www.concertclassic.com/article/benvenuto-cellini-cologne-dedie-paris-et-lhumanite-compte-rendu
 
(2) Du 18 septembre au 3 octobre prochains / www.oper.koeln/de/programm/benvenuto-cellini/2034
 
Berlioz : Benvenuto Cellini - Festival Berlioz, La Côte-Saint-André, 28 août 2016.

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