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« Bach fait partie de mon être » : Une interview de Sergey Khachatryan


A vingt-cinq ans, Sergey Khachatryan vient de signer pour Naïve(1) une intégrale des Sonates et Partitas de Bach échappant aux dogmes des écoles. Hors du temps, cette interprétation montre les affinités électives que le jeune homme cultive avec le message spirituel de cette musique. Il joue Bach et Komitas à Gaveau le 3 novembre et sera le soliste du Concerto de Khachaturian le 2 décembre, avec l’Orchestre National de France dirigé par David Afkham.

Quand avez-vous rencontré la musique de Bach pour la première fois ?

Sergey KHACHATRYAN : Aussi loin que je remonte dans ma mémoire, j’ai le sentiment de l’avoir toujours connue. A neuf ans je jouais en public le Concerto en la mineur pour mon premier concert avec orchestre en Allemagne, mais tous les enfants violonistes se trouvent un jour confrontés à cette oeuvre, cette « rencontre » est au fond secondaire. La musique de Bach fait partie intégrante de mon être, en fait elle purifie mon âme, c’est mon viatique.

Vous prêtez donc à la musique des vertus spirituelles ?

S.K. : Je ne suis pas du tout une personne religieuse, mais il faut bien se rendre à l’évidence, le caractère infini de la musique de Bach possède une nature transcendantale Et comme à mes yeux la seule religion est la musique….Les Sonates et Partitas, comme toutes les grandes œuvres de Bach, vous interrogent dans votre être profond.

Aviez-vous des modèles avant d’enregistrer votre version des Sonates et Partitas ?

S.K. : Je m’interdis d’écouter les disques de mes confrères, j’essaye de trouver mon propre chemin dans la seule fréquentation de la partition. C’est une démarche essentielle, on ne peut créer sa propre vision si on la confronte avec d’autres. Il faut trouver le sens en soi-même et par soi-même.

Si l’on vous dit que votre Bach est romantique, cela vous pose-t-il problème ?

S.K. : Pas du tout, même si je perçois les sous-entendus de votre question. Il est vrai que je ne reprends pas à mon compte les interprétations historiquement informées, d’abord parce que j’estime que la musique de Bach a un caractère intemporel, et ensuite car je pense avoir ma propre compréhension de ces textes. Mais je ne dirai pas pour autant que mon jeu est romantique, même si en effet la grande sonorité que je déploie peut y faire penser. Les étiquettes sont pratiques, mais toujours approximatives au fond. En fait je ne veux pas réduire la force de la musique de Bach en la sclérosant dans les pratiques de quelque époque que ce soit.

Comment vous préparez vous à donner les Sonates et Partitas en concert, pour un violoniste, c’est toujours un challenge considérable ?

S.K. : Je me garde bien de donner tout le cycle en une soirée fleuve. Ce type de proposition ressemble plus à un marathon qu’à un concert. En outre ces œuvres sont, sur tous les points, d’une telle intensité, qu’il faut pouvoir conserver assez d’énergie pour les goûter et les comprendre pleinement, cela vaut aussi bien pour l’interprète que pour l’auditeur.
Pour moi le concert doit être une expérience, je m’y donne corps et âme, et c’est d’ailleurs pour cela que je me produis beaucoup moins que la plupart de mes confrères. Il faut mettre dans les concerts une énergie faramineuse. A Gaveau je jouerai la 1ère Sonate et la 2ème Partita et j’ai invité mes amis du Quatuor Nairi qui donneront la transcription pour quatuor à cordes des Quatorze Miniatures du folklore arménien de Komitas. Mettre Bach et Komitas en regard était pour moi une évidence ; ils se rejoignent dans une même intensité spirituelle.

Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé, le 18 octobre 2010

2CD Naïve V 5181

Sergey Khachatryan et le Nairi Quartet

(Bach, Komitas)

3 novembre 2010 – 20h 30

Paris – Salle Gaveau

Rens. : www.concertparisiens.fr / 01 48 24 16 97

Orchestre National de France, dir. David Afkham

(Khachaturian, Chostakovitch)

Sergey Khachatryan, violon

Jeudi 2 décembre 2010 – 20h

Paris – Théâtre des Champs-Elysées

Rens. : www.theatrechampselysees.com

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