Journal

ARCAL : la plurisciplinarité comme mot d’ordre - Trois questions à Catherine Kollen, directrice de l’Arcal

En 1983, le metteur en scène Christian Gangneron fondait l’Arcal, compagnie nationale de théâtre lyrique et musical. En 2009, Catherine Kollen, précédemment en activité à la Fondation Royaumont puis à la tête d’Opera Fuoco, a pris sa succession. Après une saison 2009-2010 marquée par un Couronnement de Poppée très applaudi(1), l’Arcal débute l’année 2011 avec une nouvelle production : L’Histoire du Soldat dans une mise en scène de Jean-Christophe Saïs (première le 13 janvier à Reims). A cette occasion, Catherine Kollen répond à concertclassic.

Depuis votre arrivée en 2009 à la tête de l’Arcal, êtes-vous restée fidèle à la ligne tracée par Christian Gangneron ou avez-vous apporté des changements au fonctionnement de la compagnie ?

Catherine KOLLEN : Un peu les deux. Nous avons longuement parlé Christian Gangneron et moi et nous nous sommes vraiment retrouvés sur un esprit commun, une utopie commune qui demeurent. Nous partageons des convictions profondes quant à l’opéra : avoir une exigence artistique forte où la partie musicale et la partie théâtrale sont à égalité, aller chercher un nouveau public et montrer que l’opéra est vraiment un art qui peut parler à tout le monde.

L’Arcal est une compagnie nationale qui dispose de certains moyens mais pas d’énormes moyens. En arrivant à sa direction j’ai réfléchi à ce qui fait qu’un artiste sera heureux de travailler à l’Arcal et à ce qu’il trouvera chez nous et nulle par ailleurs. Nous sommes une petite équipe très réactive et je me soucie de la manière dont nous accompagnons les projets. Je voudrais que l’Arcal soit un lieu de réflexion et de pratique autour de la pluridisciplinarité. On se situe là à mon sens au coeur de tout ce qui est opéra ou théâtre musical ; c’est ce qui en fait la force quand ça marche et en constitue le point faible dans le cas contraire. On peut réunir le meilleur metteur en scène et le meilleur chef d’orchestre, encore faut-il qu’ils sachent travailler ensemble. En réfléchissant à cette question, il m’est apparu qu’il y a quand même en France des zones de non pratique, non réflexion, non formation absolument hallucinantes et je voudrais que l’Arcal se positionne là-dessus.

Quelques exemples pour illustrer ce constat… Quels remèdes proposez-vous ?

C.K. : Il n’y a quasiment pas de formation de metteur en scène en France ; c’est très spécifiquement français, on pense que l’on a la science infuse, qu’il n’y a pas de métier à apprendre. Les choses évoluent toutefois un peu (au Théâtre National de Strasbourg, à l’ENSATT), mais il n’y aucune formation du metteur en scène au monde lyrique, qui constitue quelque chose de spécifique. Je voudrais mettre en place dès la fin de cette année des cycles de rencontres entre professionnels où l’on apprendra à connaître l’univers de l’autre. Demander par exemple à un chef d’orchestre ou un compositeur de faire écouter une œuvre à des metteurs en scène, de leur donner des clefs d’écoute autres qu’intuitives, sans tomber dans une dimension trop musicologique ; de leur apprendre à écouter afin qu’ils puissent en tirer profit pour leurs propres mises en scène.

Je trouve également aberrant qu’on ne parle jamais à un compositeur de dramaturgie, que ceux-ci ne mettent souvent jamais le pied dans un théâtre. J’en avais invité un à assister aux répétitions du Couronnement de Poppée la saison passée ; il n’avait aucune idée de que veux dire être sur scène, répéter sur scène… S’agissant de ce spectacle Monteverdi, j’ai été très heureuse de la manière dont le metteur en scène, Christophe Rauck, et le chef Jérôme Corréas ont travaillé ensemble. La force de leur Couronnement de Poppée tient au fait que direction musicale et direction d’acteurs vont main dans la main. Par ailleurs, depuis 2000, l’Arcal organise des résidences de compositeurs et je poursuis dans cette voie en mettant l’accent sur la pluridisciplinarité. En 2011 nous bâtirons un projet de A à Z avec le compositeur italien Federico Gardella.

Pourquoi avoir choisi de programmer L’Histoire du Soldat ?

C.K. : Cela fait partie de l’axe de recherche que je viens de vous décrire. L’Histoire du Soldat est la première œuvre de théâtre musical au XXe siècle. Reste à trouver le lien organique, l’unité entre ses diverses composantes pour que cette œuvre fonctionne. Je ne sais si nous y sommes parvenus, mais nous nous sommes en tout cas donné des conditions de travail qui le permettent. L’idée de Jean-Christophe Saïs pour parvenir à cette unité a été de confier le rôle du Diable, personnage pivot de l’œuvre, au chef d’orchestre. C’est un pari énorme. Cela fait un an que Laurent Cuniot (chef de l’ensemble TM +) travaille avec Jean-Christophe Saïs à raison de deux séances par mois pour apprivoiser ce rôle. Jean-Christophe et Laurent se connaissent déjà car ils ont collaboré pour Les quatre jumelles, opéra-bouffe de Régis Campo monté avec l’Arcal, et Jean-Christophe est parti de ce qu’est Laurent pour bâtir un personnage.

Propos recueillis par Alain Cochard, le 29 décembre 2010

(1)Spectacle repris en février-mars 2011 (calendrier des représentations sur : www.arcal-lyrique.fr)

Stravinski/Ramuz : L’Histoire du Soldat
Nouvelle production de l’ARCAL
Jean-Christophe Saïs (mise en scène)
Ensemble TM + , dir. Laurent Cuniot

Opéra de Reims
Le 13 janvier (20h) et le 14 janvier (14h30) 2011
www.operadereims.com/ 03 26 50 03 92

Maison de la Musique de Nanterre
Les 19 et 20 janvier (20h30) 2011
www.nanterre.fr /01 41 37 94 20

> Vous souhaitez répondre à l’auteur de cet article ?

> Lire les autres articles d'Alain Cochard

Photo : Xavier Ricard, Arcal 

Partager par emailImprimer

Derniers articles