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Adam Laloum en récital au TCE – Un Grand – Compte-rendu

D’entrée,  une beauté du style, profondeur du son une fragilité  et un impalpable dans les émotions (les pianissimi si bien timbrés qu’on les entend comme s’ils nous étaient murmurés au creux de l’oreille), et puis cette anxiété sourde, toujours présente dans les fantaisie de Mozart : avec la Fantaisie en ré mineur K. 397, elles sont la trace précieuse que le compositeur nous aura laissée de ses improvisations au clavier. La présence de Clara Haskil flotte —mais en « ombre chinoise » ; Adam Laloum (photo) est mozartien du bout des orteils à la racine des ongles.
Personne, à notre connaissance, n’en avait eu l’idée avant lui : cet enchaînement original de pièces en ut mineur, où la sonate « du milieu » (D. 959) des trois derniers de Schubert venait comme prolonger naturellement l’univers de la fantaisie de Mozart. Dans le redoutable finale de Schubert, Laloum, en souverain dompteur de l’anxiété viennoise (celle de Mozart, comme celle de Schubert) apporte sa touche singulière : celle du grand chambriste qu’il est. Ses notes piqués dans le grave ? Ce furent de véritables pizzicati de violoncelle ; la clarté de la polyphonie du pianiste est celle du compagnon de route de Mi-Sa Yang (violon) et de Victor Julien-Laferrière (violoncelle) dans le trio qu’ils forment depuis près de dix ans. (1)
 
La partie Chopin ne fut pas en reste. Le premier trait de la Polonaise-Fantaisie, qu’on dirait lui aussi improvisé, débute dans le grave et, par deux fois, il s’élève en une vingtaine de notes dans un extrême aigu pianissimo et si léger qu’on se demande si on n’a pas rêvé ce qu’on vient d’entendre ... Quant au mouvement lent de la 3ème Sonate de Chopin, si profondément mystérieux, ce fut un moment de grâce inoubliable. Yeux fermés, on pouvait imaginer le vol planant d’un aigle : rien ne bougeait, tout flottait comme en apesanteur, et la terre en dessous de nous révélait, dans ce temps suspendu, des beautés insoupçonnées. On aurait aimé que ce mouvement ne s’achevât jamais.
Les Moment musicaux nos 1 et 2 joués en bis rappellent le véritable successeur de Radu Lupu qu’est Laloum dans Schubert. C’est décidément un grand pianiste. Non, un Grand  – tout simplement.
 
Stéphane Goldet

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(1) Trio Les Esprits : www.mirare.fr/artiste/trio-les-esprits
 
Paris, TCE, dimanche 18 février

Photo © mirare.fr

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