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Abécédaire pour Bach par Claire Giardelli - L'intuition et la grâce - Compte-rendu

A priori, l'exercice trahit l'école plus que le Livre d'Heures, pareil à un vestige du passé. Autrement dit, un Abécédaire auquel vient de redonner vie la violoncelliste Claire Giardelli (photo), familière du violoncelle baroque et de son répertoire (elle a joué quasiment avec tout ce qui compte comme chefs dans le concert à l'ancienne). Non pas un projet, mais une passion qui lui tenait à cœur depuis des années, tel l'air qu'on respire sans y penser. Amoureuse depuis toujours de l'univers Bach, elle vient d'y d'imaginer comme un itinéraire au quotidien : non pas dans le style Rêveries du promeneur solitaire façon Rousseau, mais un chemin à la fois sûr et gratifiant pour l'apprentissage de l'artiste dans le vécu de ses joies, de ses douleurs, de ses doutes.

Abécédaire il y avait donc, ce dernier dimanche à Gaveau. Un Bach à la lettre et à la peine s'y révélait, où les mots se faisaient symboles à livre ouvert sur l'histoire de la musique et des hommes. En d'autres termes, ce genre de guide que les Anglais appellent companion et qui nous en apprend autant sur nous-mêmes que sur les lettres dévoilées ici selon la très drolatique terminologie de l'Harmonie imîtative de la langue française écrite naguère par Pierre-Antoine Augustin de Piis.

Abordées dans un ordre mathématique, à travers douze emprunts au recueil des 6 Suites pour violoncelle seul du Cantor (mais le Prélude de la Suite n°1 était repris dans un esprit de symétrie à la fin du programme), ces pages emblématiques révélaient leur part d'universalité, mieux peut-être que sous un archet célèbre. En d'autres termes, une manière d'état de grâce perdurait là, où aux mérites rares de la soliste et au savoir-faire non moins évident de Mirella Giardelli, conceptrice de l' Abécédaire, s'ajoutait le talent, tout en spontanéité et en finesse, de la récitante Agnès Pontier, remarquée également au théâtre et au cinéma, et, pour conclure en apothéose, de son partenaire Jean-Pierre Marielle, ce monument de la scène française qui fut Sainte-Colombe dans le film culte Tous les Matins du Monde et dessinait un Bach inoubliable, à fleur d'émotion et d'humour.

Roger Tellart

Paris, Salle Gaveau, 16 décembre 2012

Association Caix d'Hervelois : http://fmad.pagesperso-orange.fr

Signalons que les 6 Suites pour violoncelle par Claire Giardelli viennent de paraître chez Ligia Digital/dist. Harmonia Mundi

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Photo : DR
 

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