Journal

39èmes Semaines Musicales de Quimper – Imagination et partage – Compte-rendu

henri demarquette

Le pianiste Andoni Aguirre et le compositeur Christian Lauba assurent depuis plusieurs années la co-direction des Semaines Musicales de Quimper. Pour cette 39ème édition, ils ont mis l’accent sur le thème de la voix dans toutes ses dimensions, convoquant récitals de piano ou de chant, musique de chambre ou sacrée, jazz ; le tout dans un esprit d’ouverture et de partage.

Jean-Jacques L'Anthoën © musicaglotz
 
La magie opère dans la superbe Orangerie de Lanniron – construite au XVIIème siècle au bord de l’Odet – où se produisent devant une salle comble le jeune baryton Jean-Jacques L’Anthoën, accompagné par Adam Laloum dans une programme germanique. Deux cycles de lieder, A la Bien-aimée lointaine de Beethoven et Les Amours du poète de Schumann, offrent au timbre généreux du chanteur un terrain d’élection ; diction parfaite, exaltation des sentiments et réelle musicalité, mais avec une tendance à théâtraliser certaines envolées lyriques. Adam Laloum, dont on connaît la fibre romantique, dégage toute une gamme d’émotions et nous emporte sur des sommets de sensibilité. Quelques Moments musicaux assurent la transition entre les deux cycles : le pianiste y démontre une nouvelle fois sa compréhension de l’univers schubertien.

Jean-Frédéric Neuburger © Carole Bellaiche
 
Le lendemain dans le même lieu, une « Carte blanche » est proposée par C. Lauba à Henri Demarquette (photo), Jean-Frédéric Neuburger et Richard Ducros (saxophone) autour d’un cocktail d’œuvres où l’humour se mêle à l’exigence artistique. Stan, morceau de C. Lauba pour saxophone baryton et piano, s’apparente à un exercice de haute voltige en spirale et exige une concentration de tous les instants.
La Sonate n° 2 pour violoncelle et piano de Beethoven met en valeur la noblesse d’archet de Demarquette et sa sonorité de braise auxquelles répond l’inventivité de Neuburger, également compositeur et fervent interprète de sa pièce pour piano seul : Souffle sur les cendres. Après la création mondiale de Just a Song pour saxophone alto et piano de C. Lauba, à l’écriture jazzy réinventée, se succèdent quelques friandises de son cru, tel Devil's Rag pour saxophone alto et piano, une partition qui eut l’honneur d’être jouée à la Maison Blanche lors de la cérémonie de départ du Président Obama.
Emotion au moment de l’hommage à Brigitte Engerer qui avait commandé à Lauba un Tango Suave (dont la pianiste voulait faire un de ses bis et qu’elle n’eut hélas pas le temps d’inscrire à son répertoire), ici adapté pour saxophone alto, violoncelle et piano. La soirée s’achève dans la bonne humeur et en toute décontraction avec, par le même effectif, la Valse Vanité de Rudy Wiedoeft (1893-1940).

Bruno Rigutto © Bachini
 
Au Théâtre Max Jacob, Emilie Fichter et Andoni Aguirre (tous deux anciens élèves de Bruno Rigutto au CNSMD de Paris) forment un duo de piano à quatre mains en totale osmose. On apprécie le moelleux de la sonorité de l’un et la densité de ton de l’autre dans les Six Duos op. 11 de Rachmaninov, les cinq premières Danses hongroises de Brahms et la version pour piano de la Moldau de Smetana. Bis ludique : le maître se joint à ses disciples pour la Romance de Rachmaninov, jouée à six mains.
 
En soirée, Bruno Rigutto déroule le fil des 21 Nocturnes de Chopin avec une perfection de style, un sens du phrasé et une poésie de chaque instant. Un voyage, ponctué par les interventions de Jean-Yves Clément disant ses propres poèmes, sortes de haïkus écrits à la demande de Brigitte Engerer (1). Aux Semaines Musicales de Quimper, l’imagination est sans cesse au pouvoir.
 
Michel Le Naour

logo signature article

Quimper, Orangerie de Lanniron et Théâtre Max Jacob, du 10 au 13 août 2017

(1) "Nuit de l'âme : 21 poèmes d'après les 21 Nocturnes de Chopin" (Ed. Le Cherche Midi)

Photo Henri Demarquette © J.P. Raibaud

Partager par emailImprimer

Derniers articles