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Récital de Lawrence Zazzo au Festival de Beaune 2019 – Haendel et les Italiens de Londres - Compte-rendu

Sous l’intitulé anodin « Airs d’opéras », c’est un bouquet d’airs puisés à l’opéra anglais, tel qu’il se manifestait dans les années 1720-1730 à la Royal Academy de Londres, qu’illustre le récital de Lawrence Zazzo à la salle des Pôvres des Hospices de Beaune. Séduisante initiative qui permet de confronter Haendel à ses rivaux du moment Giovanni Bononcini (1670-1747) et Attilio Ariosti (1666-1729). Ce programme hors des conventions, pour un parcours lyrique atypique et une soirée de musique anglaise inhabituelle, est servi par des interprètes venus d’outre-Manche.
 
Zazzo est certes natif des États-Unis, mais il doit sa formation musicale à l’Angleterre, pays où il réside désormais. Quant à l’ensemble La Nuova Musica qui l’accompagne, ses quatre membres, violon 1 et 2, violoncelle et clavecin (tenu par David Bates), sont britanniques. Trois airs d’opéras de Haendel (extraits de Rodelinda, Flavio, Giulio Cesare) alternent ainsi avec des airs plus méconnus d’opéras de compositeurs qui le sont autant : Bononcini (extraits de Griselda, Crispo, Erminia, Muzio Scevola) et Ariosti (Il naufragio vicino, Coriolano). Ces ouvrages connurent en leur temps le succès, parfois davantage que ceux de Haendel, et tous sur des livrets en italien, de règle à l’époque pour l’opéra londonien.
 

David Bates, claveciniste et directeur musical de La Nuova Musica © Andy Staples

Étrangement, mais finalement pas tant que cela, l’esthétique ne diffère pas essentiellement entre les arias du compositeur d’origine saxonne et ceux de ses concurrents venus d’Italie, parmi le da capo obligé de chants croisés d’amour et de bravoure. Lawrence Zazzo est à son affaire, de sa voix de contre-ténor dans cette tessiture qui devait être celle de castrats, avec une colorature fermement maîtrisée, l’éclat quand il faut, les passages de violence piquée et de tendresse legato. S’ajoute une expression proprement d’acteur dramatique, tout à fait en situation pour ces extraits d’opéras. Cette découverte, pour nos deux Italiens de Londres, s’inscrit alors de la plus éloquente façon.
 
Intermède instrumental approprié, deux sonates en trio de Haendel forment parenthèses d’une vibrante virtuosité. En bis, réclamé par un public trépidant, survient « Ombra mai fu ». Mais dans la version de Bononcini, suivie de celle, fameuse entre toutes, du Serse de Haendel. Clin d’œil final de cette soirée éclectique riche en inédits.
 
Pierre-René Serna

Beaune, Salle des Pôvres des Hospices, 7 juillet 2019.

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