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Une interview de Thierry Escaich, compositeur – A la gloire de l’orchestre

Certes modulable, la Grande Salle de la Philharmonie I n’en est pas moins d’abord un temple du grand orchestre symphonique. En toute logique, celui-ci est à l’honneur avec la commande que l’Orchestre de Paris et la Philharmonie de Paris ont passée à Thierry Escaich pour le concert inaugural du 14 janvier. Concertclassic a questionné le compositeur au sujet du Concerto pour orchestre dont Paavo Järvi s’apprête à diriger la première mondiale.
 
Comment avez-vous été amené à écrire cet ouvrage ?
 
Thierry ESCAICH : Il s’agit de la première commande que je reçois de l’Orchestre de Paris. La seule collaboration que nous avons eue jusqu’ici autour de ma musique est l’exécution, il y a trois ans, d’une pièce pour orgue et orchestre intitulée La barque solaire. Mais depuis au moins quatre ou cinq ans l’orchestre souhaitait me commander une pièce. Ce désir, conjugué à celui de la direction de la Philharmonie qui voulait également me passer une commande, a abouti à ce concerto pour orchestre destiné a être joué lors du concert inaugural de la salle. Je l’ai terminé il y a un mois et demi environ et il m’a occupé pendant plus d’un an.
 
Votre Concerto pour orchestre va s’insérer parmi des ouvrages de Fauré, Ravel et Dutilleux. Avez-vous tenu compte de ce contexte entièrement français, de la couleur des ouvrages qui forment le programme inaugural du la Philharmonie de Paris pour écrire votre partition ?
 
T.E. : Pour être franc, je l’ai écrite de façon indépendante de ce contexte et, d’ailleurs, au moment où je me suis mis au travail, je ne pense pas que le programme était déjà déterminé.
 
Le fait que l’œuvre soit créée dans la Grande Salle de la Philharmonie, a-t-il influencé votre manière de la concevoir ?
 
T.E. : Les essais acoustiques n’ont pas encore été faits alors que je vous parle mais, pour avoir été joué dans de grandes salles modernes, je sais la précision que peut avoir ce type de salle et je me suis donc permis des alliages sonores souvent assez pointus car je savais que l’acoustique mettrait en valeur des choses même lointaines.
Ce qui importe est que, décidant d’écrire un concerto pour orchestre, je me suis demandé comment faire en sorte que toutes les familles de l’orchestre parlent, d’une manière ou d’une autre, mais pas avec un mouvement pour les cordes, un pour les bois, un pour les cuivres, etc. J’ai voulu que chaque instrument soit un personnage de l’orchestre afin, par moment, de pouvoir mettre le projecteur sur un ou deux alliages sonores. J’ai composé des familles quelquefois un peu chambristes.
 
L’important est que j’ai d’abord entendu l’idée formelle d’une pièce que j’ai voulu défendre. J’ai longtemps réfléchi avant de construire une forme d’un seul tenant qui dure à peu près trente minutes, en essayant de faire en sorte qu’elle raconte quelque chose, qu’elle aille d’un point à un autre et qu’elle porte, qu’elle rende naturelles, nécessaires les choses que j’ai faites avec ces petites familles dont je viens de vous parler. J’ai cherché à ce que la forme générale de la pièce rende nécessaire le passage par ces moments.
 
Une œuvre d’un seul tenant, mais en plusieurs mouvements enchaînés …
 
T.E. : Il y a clairement quatre mouvements. Je n’ai toutefois jamais pensé à des mouvements séparés mais tout de suite à une forme que je pourrais un peu comparer à celle des Tableaux d’une exposition ; avec une forme de ritournelle qui revient entre les mouvements, créant des zones un peu plus floues, que j’appelle interludes, qui préparent à ce qui va suivre.
 
Quel regard portez-vous sur l’achèvement de la Philharmonie de Paris et le projet dont elle est porteuse ?
 
T.E. : Il est difficile d’être contre, et je suis pour ma part très favorable à cette entité totale au service de la musique. La chose qui m’intéresse le plus, c’est de disposer d’un plateau à géométrie très variable permettant de passer d’une pièce d’orchestre à une pièce pour quatuor, etc. C’est l’occasion d’inventer des types de concerts différents, de sortir du schéma traditionnel ouverture-concerto-symphonie.
 
Pour conclure, que découvrira-t-on de vous après ce Concerto pour orchestre ?
 
T.E. : Avant celui-ci et parallèlement au début de son élaboration, j’ai eu la chance d’écrire un double concerto pour violon et hautbois pour Lisa Batiashvili et François Leleux. Ils viennent de le créer à Hambourg et il sera repris en avril au Lincoln Center, par le Philharmonique de New York, sous la direction de son directeur musical, Alan Gilbert, un chef que j’apprécie beaucoup - il dirigeait la création à Hambourg avec le NDR Sinfonieorchester.
 
Propos recueillis par Alain Cochard, le 23 décembre 2014
 
Site de Thierry Escaich : www.escaich.org
 
Site de la Philharmonie de Paris : www.philharmoniedeparis.fr

Photo © Guy Vivien

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