Au XVIIIe siècle, la langue française n’eut pas de plus grande ambassadrice qu’Adrienne Lecouvreur. Souveraine des tragédiennes aux yeux de Voltaire éperdument amoureux, elle libéra les vers de Racine et Corneille de la déclamation chantée imposée par la Comédie- Française au profit d’une émouvante simplicité de ton. La vérité, agrémentée de passion, avec laquelle elle servit les Classiques, l’accompagna sur le dangereux territoire du jeu amoureux où, dans son rôle de maîtresse du Maréchal de Saxe, elle se piqua à la jalousie de la duchesse de Bouillon. Mystérieusement abandonnée par la vie dans sa trente-huitième année, la légende voulut qu’un bouquet empoisonné, offert par sa rivale, ait subtilisé à cette Melpomène son dernier souffle. Survivant au xixe siècle grâce à la pièce d’Eugène Scribe, son mythe fut scellé par l’adaptation qu’en fit à l’opéra Francesco Cilèa. Héritier de la tradition romantique italienne, le compositeur calabrais offrit au vérisme musical un de ses plus poignants mélodrames, dans la lignée des compositions de Mascagni, Leoncavallo et Giordano. Conjuguant vérité historique et réalisme tragique, Adriana Lecouvreur n’a depuis sa création cessé d’exposer sur la scène des illusions théâtrales les plus nobles sentiments de la vie réelle. Angela Gheorghiu chante enfin à Paris l’une de ses héroïnes fétiches.