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Vadym Kholodenko en récital à Gaveau – Sur les cimes – Compte-rendu

Médaille d’or du Concours Van Cliburn en 2013 et formé à la dure exigence du Conservatoire de Moscou auprès de Vera Gornostayeva (la grand-mère d’un autre remarquable pianiste, Lukas Geniušas), l’Ukrainien Vadym Kholodenko (photo) réside aujourd’hui au Luxembourg. Ses apparitions à Paris se comptent jusqu’à présent sur les doigts de la main, malgré de remarquables enregistrements (chez Harmonia Mundi). Inscrit dans la saison des Concerts Parisiens, son récital plonge aux tréfonds de l’âme russe avec des œuvres de Tchaïkovski, Rachmaninov et Scriabine, compositeurs dont il ne cesse de percer les secrets depuis son plus jeune âge.
 
La Grande Sonate op. 37 de Tchaïkovski n’est pas un long fleuve tranquille et ne se laisse pas facilement domestiquer. Austère, voire rébarbative, elle exige, eu égard à ses errances et son caractère volontiers bavard, un contrôle absolu de la forme. Le soliste – sur un Fazioli dont il maîtrise tous les paramètres – ne cherche pas à rendre la partition plus séduisante qu’elle n’est, mais sait se lover avec bonheur dans son caractère orchestral. Il en souligne la grandeur, voire l’exubérance, en particulier lors de l’Allegro vivace conclusif, véritable apothéose emportant tout sur son passage.
 
Après l’entracte, le célèbre Prélude en do dièse mineur de Rachmaninov prend sous des doigts fermes une dimension épique, et l’intelligence de l’approche réussit à débusquer derrière l’apparence démonstrative tout ce que cette page possède de profondeur et de nuance. Les six Préludes tirés de l’Opus 23 connaissent un traitement similaire grâce à une recherche harmonique poussée et une conduite subtile du discours, reflet d’une imagination continûment renouvelée.
Deux partitions majeures de Scriabine referment le programme : la Sonate n° 5 op. 53, d’une seule coulée, est exaltée par un jeu puissant qui se donne le temps de la réflexion afin de mieux dégager toute la richesse de la structure avec une intensité organique. Le Poème satanique op. 36 allie quant à lui tendresse, poésie et incandescence dans un même élan contrôlé où l’assurance technique le dispute à une vision de haut vol. Un grand moment de piano.
 
Michel Le Naour
 
Paris, Salle Gaveau, 30 novembre 2018
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