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Une interview de Nicholas Angelich – Premier récital à Piano ****

Tendre colosse faussement nonchalant, Nicholas Angelich a imposé sa stature de grand pianiste international depuis trente ans. Américain de Paris, né en 1970 à Cincinnati mais installé en France depuis l’adolescence, ce disciple d’Aldo Ciccolini au CNSMDP, s’est enrichi de multiples rencontres et a su tirer le meilleur parti des différentes influences qu’il a reçues. Véritable globe-trotter, il revient dans la capitale après une tournée de concerts à Lucerne et à la Philharmonie de l’Elbe à Hambourg, et sera en récital à la Philharmonie le 6 juin : sa première participation à la série Piano**** d’André Furno. Haydn, Beethoven et Brahms sous les doigts d'un maître ...
 

Comment envisagez-vous ce récital à la Philharmonie ?
 
Nicholas ANGELICH : Avec enthousiasme. C’est un privilège de rejoindre cette série prestigieuse où tant de pianistes de renom ont livré des récitals inoubliables. Je n’oublie pas qu’Alfred Brendel, dont j’ai suivi l’enseignement dans mes jeunes années, a été l’un des tout premiers à rejoindre André Furno lors de la création de Piano****. De plus, la Grande Salle Pierre Boulez constitue un lieu non seulement magique, mais tellement confortable pour les musiciens lorsqu’ils sont sur scène. J’ai choisi un programme qui me tient particulièrement à cœur et que j’ai eu l’occasion de proposer à de nombreuses reprises. Lorsque je compose mes récitals, je recherche une cohérence d’ensemble de manière à ce que l’auditeur ressente une impression d’unité. Les Variations en fa mineur de Haydn montrent une image du compositeur tout à fait différente de celle qui lui est attribuée ordinairement. L’œuvre suscite sans cesse des effets de surprise et présente un caractère théâtral où s’expriment à travers une forme concentrée tous les états d’âme, avec une intensité et une intériorité peu communes. Par la liberté d’imagination plus proche de la fantaisie que de la variation s’ouvrent des espaces infinis avec des silences, des oppositions entre mélancolie et accords puissants. Cela constitue une excellente introduction à la « Waldstein » de Beethoven, qui, par sa dimension, son développement, prend une autre tournure annonciatrice du romantisme ; mais il y a entre Haydn et Beethoven un passage de témoin.

 © Jean-François Leclercq
 
Vous jouez en deuxième partie les deux cahiers des Variations sur un thème de Paganini de Brahms que l’on a peu l’occasion d’entendre. Quelle relation entretenez-vous avec cette œuvre ?
 
N.A. : Brahms a suivi à son tour le chemin de Beethoven et, comme lui, a pratiqué le genre de la variation de manière géniale. J’ai, à l’égard des Variations Paganini, une approche très personnelle car je les ai déchiffrées très tôt et ne les ai jamais abandonnées depuis, les remettant sans cesse sur le métier avec la même jubilation. Elles posent bien sûr des problèmes techniques et font appel à la virtuosité, sans jamais posséder le caractère déclamatoire et superficiel du caprice de Paganini dont elles s’inspirent. Il y a beaucoup de musique derrière l’avalanche de notes et j’apprécie la densité d’une écriture de caractère orchestral. En effet, Brahms laisse poindre son propre langage, sait établir un lien émotionnel et des affects. Evidemment, c’est une œuvre difficile qui demande beaucoup de concentration et d’énergie, mais le résultat est à la mesure de l’engagement de l’interprète.
 
Après votre dernier enregistrement intitulé « Dedication » (oeuvres de Liszt, Chopin et Schumann, Erato, 2016), avez-vous d’autres projets ?
 
N.A. : Je tenais tout particulièrement à enregistrer ce disque afin de réunir trois compositeurs qui se sont fréquentés, appréciés, jugés et toujours respectés malgré leurs différences. Réaliser un disque exige un fort investissement personnel. La Sonate de Liszt, les Kreisleriana de Schumann et les Etudes de Chopin font partie de mon ADN. Cela n’a pas été facile de convaincre de l’intérêt de ma démarche ; finalement j’ai obtenu des conditions exceptionnelles pour mener à bien le projet réalisé dans un lieu privilégié, le Schloss Elmau en Allemagne, lieu de rencontres de différentes musiques — où se retrouva, dans les années 50, le Quatuor Amadeus. On est toujours inquiet de la réception d’un disque, mais je dois dire que les critiques français et britanniques lui ont fait le meilleur accueil, ainsi que les mélomanes. Je ressens une grande satisfaction d’avoir pu mener à bien ce projet dans lequel j’ai mis beaucoup de moi-même. Pour l’instant, je reste encore sur ce sentiment avant de me lancer dans une autre aventure discographique.
 
Après ce récital parisien, comment s’organise votre été ?
 
N. A. : Je serai présent en juillet au Festival de Gstaad où je jouerai avec la violoncelliste Sol Gabetta et la violoniste Vilde Frang ; en août à La Roque d’Anthéron, aux Grandes Heures de l’Abbaye de Cluny, à Calvi, au Festival du Périgord noir, à Varsovie le 19 août. Puis le 29 septembre je donnerai un récital à Toulouse dans le cadre de Piano aux Jacobins et le 6 octobre je reviendrai à la Philharmonie pour la nouvelle saison de Piano**** avec la Sonate n° 14 de Beethoven, les Fantaisies op. 116 de Brahms et la 8ème Sonate de Prokofiev. Je m’en réjouis d’avance !
 
Propos recueillis par Michel Le Naour, le 22 mai 2017

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Nicholas Angelich, piano
Œuvres de Haydn, Beethoven et Brahms
6 juin 2017 – 20h30
Paris - Philharmonie (Grande Salle)
www.concertclassic.com/concert/nicholas-angelich-1
 
Photo © Stéphane de Bourgies

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