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Une interview de Karina Gauvin, soprano - De Vitellia à Niobe

La soprano canadienne a enchanté les amoureux des opéras de Haendel avec ses Calisto, Ginevra, Alcina, et y revient pour deux récitals à Grenoble et Paris, qui marqueront en outre la naissance de l’orchestre du « Concert de la Loge Olympique » que dirige désormais Julien Chauvin(1). Karina Gauvin s’est révélée une mozartienne de choix en incarnant il y a peu au TCE une Vitellia qui a fait grand bruit. Elle s’apprête nous faire découvrir l’héroïne de l’opéra de Steffani, Niobe Regina di  Tebe.
 
Vous avez remporté un beau succès avec votre incarnation de Vitellia dans La Clemenza di Tito que vient de présenter le Théâtre des Champs-Elysées. Que signifie chanter Mozart pour vous ?

Karina GAUVIN : Le public européen n’est pas habitué à me voir dans des rôles mozartiens, il est vrai que les héroïnes handeliennes m’accompagnent depuis un certain temps, mais j’ai été très heureuse de me confronter à Vitellia. Mozart c’est un tout autre univers, on parle toujours à propos de ses opéras de la pureté de la ligne de chant. On ne peut rien cacher chez Mozart, il expose votre voix à nu. Il faut l’aborder sereinement, le moindre trouble s’entend sinon. Depuis longtemps mon professeur de chant me disait que Vitellia était un rôle pour moi. Ce n’est pas Susanna, ni Pamina, c’est un vrai personnage théâtral, il faut aller puiser très loin en soi pour incarner un tel caractère dramatique. Elle demande énormément d’énergie, sa personnalité montre toute sorte de facettes d’elle-même. Elle ne se cantonne pas à un seul registre et vocalement non plus d’ailleurs, elle déborde la ligne classique qui est le fondement esthétique de La Clemenza di Tito. Comment savoir doser les éléments de ce personnage, comment maîtriser cet ambitus incroyable qui va du grave à la colorature, autant de défis, et jusqu’aux récitatifs qui sont investis d’une puissance dramatique surprenante.
 
Comment avez-vous bâti votre récital Haendel ?

K.V. : C’était le désir de Julien Chauvin de présenter un vrai récital florilège. Donc plutôt qu’une construction théâtrale – même si les airs comportent de toute façon cette dimension - un vrai programme pour le plaisir du chant haendelien. Evidemment j’ai abordé bien des rôles des opéras de Haendel, notamment lors de la série des enregistrements entrepris sous la direction d’Alan Curtis, mais mon préféré reste Alcina. Lorsque je chante Haendel c’est comme si je revenais chez moi et je  me rappelle les belles années passées à peaufiner les rôles qu’Alan Curtis m’avait confiés. Je crois que ma voix convient à l’écriture vocale de ce compositeur, je m’y sens à l’aise. Ceci dit je n’envisage pas, en tous cas dans l’immédiat,  d’ajouter un nouveau rôle haendelien à mon répertoire. J’ai envie de revenir à la mélodie, et d’abord à la mélodie avec orchestre. Je vais chanter en mai à Bordeaux les deux cycles d’Henri Dutilleux Correspondances et Le temps l’horloge j’ai toujours aimé la mélodie ; Debussy, Ravel, Fauré. Parfois  lorsque l’on entre dans la carrière on a toutes sortes d’attentes, maintenant je  laisse venir, je suis ouverte aux propositions, aux opportunités, je ne veux plus me mettre d’œillères.
 
Justement vous allez interpréter à Versailles le rôle-titre de Niobe, regina di Tebe (2). Connaissiez-vous la musique d’Agostino Steffani avant d’aborder cet opéra ?

K.V. : J’en connaissais un peu, mais je n’en avais jamais chanté une note. Le travail sur cet opéra avec Stephen Stubbs et Paul O’Dette a été passionnant, quelle œuvre ! Ils connaissaient ma personnalité vocale, nous avions interprété ensemble l’Ariane de Conradi, ils savaient mon goût pour les personnages dramatiques, ce qui correspond tout à fait à Niobe. Ils savaient que je ferai un contraste parfait avec l’Anfione de Philippe Jaroussky qui est tout au contraire de moi un personnage éthéré jusque dans sa vocalité. La musique est étonnante, ce mélange entre influences françaises et style italien. Après cette Niobe, ma prochaine apparition au disque sera, figurez-vous, mozartienne. Je viens d’enregistrer Donna Elvira pour Teodor Currentzis, première collaboration et sacrée expérience !

Propos recueillis par Jean-Charles Hoffelé, le 13 décembre 2014
 
(1) Après avoir collaboré au sein Cercle de l’Harmonie, Jérémie Rhorer et Julien Chauvin poursuivent leur activité musicale dans deux formations distinctes. J. Rhorer demeure à la tête du Cercle de l’Harmonie, tandis que J. Chauvin fait renaître et prend la direction du Concert de la Loge Olympique.
(2) Alessandro Steffani : Niobe regina di Tebe, Karina Gauvin, Philippe Jaroussky, Amanda Forsythe, Christian Immler,Terry Wey, Boston Early Music Festival Orchestra, Paul O’Dette, Stephen Stubbs / 3 CD Erato 08256434546.
 
Récital Haendel (ext. de Jules César, Rodelinda, Ariodante, Rinaldo, Alcina),  Karina Gauvin, Le Concert de la Loge Olympique, dir. Julien Chauvin.
13 janvier 2015 - 20h30
Grenoble - MC2
www.mc2grenoble.fr

14 janvier 2015 - 20h30
Paris, Salle Gaveau
www.concertclassic.com/concert/karina-gauvin-airs-de-haendel
 
Agostino Steffani : Niobe, regina di Tebe
Karina Gauvin, Philippe Jaroussky, solistes, Boston Early Music Festival Orchestra, dir. Paul O’Dette & Stephen Stubbs.

20 janvier 2015 - 20h
Mérignac - le Pin galant
www.lepingalant.com

22 janvier 2015 - 20h
Versailles - Opéra Royal
www.concertclassic.com/concert/niobe-dagostino-steffani
 
24 janvier 2015 - 19h30
Paris - Théâtre des Champs-Elysées
www.concertclassic.com/concert/niobe-dagostino-steffani

29 janvier 2015 - 20h
Toulouse - Halle aux grains,
www.grandsinterpretes.com/concerts/philippe-jaroussky-boston-early-music-festival-orchestra-p-odette-s-stubbs

Photo © Michael Slobodian

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