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Une interview de Julien Caron, directeur artistique du Festival de La Chaise-Dieu – La force des lieux

Lisse et lumineux, il rayonne d’un feu étrange. On l’imaginerait bien sur un chantier de construction de cathédrale, au Moyen âge, ou sur les grandes voies de pèlerinage. Avec Julien Caron, c’est un étonnant directeur artistique que s’est donné le Festival de la Chaise-Dieu en 2013. A 27 ans, il y entame sa 4e saison : une étape puisqu’elle marque le 50e anniversaire du Festival.
Petite visite avant le coup d’envoi, le 18 août, par l’Orchestre national d’Île-de-France, sous la baguette d’Enrique Mazzola et avec Pascal Amoyel au piano.

 
Où en sont les travaux de réfection du site ?
 
Julien CARON :  Nous sommes rentrés dans la dernière phase de restauration, qui s’achèvera en 2018. La Maison du Cardinal est achevée ainsi que l’aile ouest où nous aurons la joie d’installer nos bureaux permanents. Les artistes bénéficieront aussi de loges rénovées. Dans ces bonnes conditions, l’Abbatiale peut accueillir une exposition autour de l’une des précieuses tapisseries (14 en tout), datées du début du XVIe siècle flamand, qui sont elles aussi sont peu à peu rénovées. Le thème de chacune d’elles constitue la substance d’une exposition,  chaque fois différente : cette année est consacrée à la Crucifixion, avec une série de Christ suppliciés dûs à Mario Prassinos et donc présentés dans l’aile ouest. Enfin, l’aile dite de l’Echo sera achevée en 2018.
 
Le problème du festival a souvent été la minceur de son potentiel d’hébergement. Qu’en est-il aujourd’hui ?
 
J.C. : Justement, un projet d’hôtel est à l’étude dans les bâtiments abbatiaux eux-mêmes. Et heureusement, la fréquentation du festival se maintient : nous avons eu 20 000 spectateurs en 2015, sur un nombre de concerts que nous avions pourtant dû réduire à 30. Cette année nous revenons à 35 concerts payants, et nous constatons que notre public vient de plus en plus de la région Rhône-Alpes, ce qui indique qu’il attire davantage. Environ le tiers est de provenance locale, et nous comptons 14 % de franciliens, et un petit contigent assez stable d’étrangers.
 
Quel est l’axe de ce festival anniversaire ?
 
J.C. : J’ai voulu rétablir son créneau généraliste. Né avec le piano grâce à György Cziffra, réceptacle d’innombrables œuvres sacrées, il doit aussi se permettre des écarts, et s’ouvrir davantage à la musique symphonique. Et surtout, son identité propre est vraiment liée aux lieux qui l’abritent, et auxquels tout ne convient pas forcément. Je suis heureux que cette année, pour la première fois, nous puissions jouer au Puy. J’apprécie aussi beaucoup la magnifique abbaye romane de Lavaudieu, qui fut créée pour les moniales par Saint Robert après la Chaise-Dieu. On y entendra l’Ensemble Clément Janequin. Et toujours, ce haut lieu qu’est la basilique Saint-Julien de Brioude, pour le rare Stabat Mater de Boccherini, que joueront le Concert de la Loge et Julien Chauvin. Mais quel que soit le programme, en écoutant les réactions du public, on constate que les œuvres profanes tirent de ces voûtes une coloration spirituelle qui dit la force des lieux.
 
Quelques moments spéciaux à prévoir plus particulièrement ?
 
J.C. Je me réjouis de pouvoir donner enfin les Wesendonck Lieder qui n’ont jamais été chantés ici. Ils seront interprétés par la soprano Aga Mikolaj et l’Orchestre national de Lyon. Et comme nous sommes fidèles, la Passion selon Saint Matthieu, un des « basiques » du Festival, avec Jean Claude Malgoire à la tête de la Grande Ecurie et la Chambre du Roy. C’est  le seul oratorio que nous programmons cette année. J’envisage d’ailleurs d’ouvrir le festival de plus en plus au lyrique pur. Je me souviens notamment d’avoir vu le public se déchaîner dans l’accueil qu’il fit aux Figures de Judith, menées par l’étonnant Christophe Rousset. Ils applaudissaient comme à un concert de stars ! Cela m’a fait réfléchir.
Je veux également souligner que le festival s’ouvre sur un rappel : celui, à l’identique, du concert du 25 septembre1966, qui marqua sa naissance, en souvenir de Cziffra. Enrique Mazzola y dirigera l’Orchestre national d’Île-de-France. Et dès le lendemain, pour bien montrer notre volonté d’explorer d’autres musiques, celle de notre temps, nous poursuivrons, sous la direction de Nicole Corti, avec une nouvelle version du Magnificat composé par Philippe Hersant en 2013 pour ses Vêpres à la Vierge. Outre tant d’autres interprètes magnifiques, d’Emmanuel Krivine à Renaud Capuçon, de Raphaël Sévère à l’incontournable Paul McCreesh ! Et pour l’avenir, un cap : celui de revenir à des thématiques, indépendamment des formes musicales. Avec un vœu, un rêve, proposer aussi un peu de danse, ce qui demande des infrastructures autres. Mais je l’espère vivement.
 
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 4 juin 2016 

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Festival de la Chaise Dieu. Du 18 au 28 août 2016. www.chaise-dieu.com 

Photo Julien Caron © Bertrand Pichène

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