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Une autre Traviata au Théâtre des Champs-Elysées : le choix de l’intime - Compte-rendu

Vannina Santoni / Traviata au Théâtre des Champs Elysées

Sans prétendre être la production du siècle, l’actuelle Traviata du Théâtre des Champs-Elysées vaut la peine d’être vue et entendue. D’abord, pour la formidable prise de rôle de Vannina Santoni, qui se donne avec ardeur et dont la présence fait une bonne part du spectacle. Ensuite, pour l’orchestre, le Cercle de l’Harmonie en pleine forme, avec son chef, Jérémie Rhorer, qui donnent à entendre dans cette œuvre ce que l’on n’entend jamais.

Le parti pris musical a été en effet d’interpréter ce chef-d’œuvre de bel canto sur instruments d’époque, et à un diapason plus bas que d’habitude : 432Hz tel que le souhaitait et l’aimait Verdi, et non 440Hz comme il a été d’usage par la suite.

Il en ressort une sonorité mate, légèrement feutrée, boisée, plus sèche, plus sombre et acérée que brillante et onctueuse. Ce choix d’interprétation offre en lui-même un ressort dramatique certain : les voix portent mieux, les couleurs instrumentales paraissent beaucoup plus variées, plus tranchantes, plus crues. La tragédie n’en est que plus âpre et plus intime.

Vannina Santoni / Traviata au Théâtre des Champs Elysées

La mise en scène de Deborah Warner (la deuxième qu’elle signe de cette œuvre, après celle de Vienne en 2012) a l’immense avantage d’être élégante et dépouillée. Une idée scénographique : la robe rouge de Violetta, coupe des années 40 (qu’elle porte au premier acte et à la fin du deuxième), symbole de désir, de fête, de passion et de sang aussi ; les blouses blanches et la valse triste des lits d’hôpital qui hantent l’opéra dès le début, avec le double malade de Violetta (rôle silencieux porté par Aurélia Thierré). Cette présence fantomatique, anxiogène, modernise le propos de cette occasion d’amour manquée. Traviata finit mal, on le sait.

D’où vient donc la déception ? On n’arrive pas totalement à croire à cet amour précisément. Si Vannina Santoni est Violetta, il lui manque son Alfredo. Elle a l’âge du rôle, elle est belle, chante très bien et compense de légères immaturités vocales (legato pas toujours assuré, sons filés interrompus un peu tôt parfois) par sa force dramatique. Violetta est amoureuse et fragile. Mais diable pourquoi se met-elle dans cet état pour cet Alfredo ? Saimir Pirgu chante plutôt très bien, notamment lorsqu’il se met en colère, et dans les scènes violentes (Acte II pendant la fête chez Flora - formidable), mais sur la durée, il est en retrait, et son jeu manque sérieusement de conviction, de passion, d’engagement.

Traviata au Théâtre des Champs Elysées

Dans un autre registre, on pense un peu la même chose dans la scène du sacrifice exigé par Germont (Laurent Naouri). Ce moment est complexe à mettre en scène, Deborah Warner le souligne d’ailleurs ; Vannina Santoni s’en sort admirablement mais d’où vient donc ce seul jeu de sourcils de Laurent Naouri pour faire le méchant ?!... Alors qu’il trouve l’émotion spontanée à la fin du troisième acte. Dommage, car les seconds rôles sont plutôt très bons, comme le Chœur de Radio France qui visiblement s’en donne à cœur joie.

On sort quand même avec la gorge serrée, grâce à la révélation de Vannina Santoni qui est non seulement chanteuse, mais véritablement grande comédienne.

Les larmes viennent de l’orchestre, contrepoint et personnage essentiel, qui a donné à cette Traviata, un angle nouveau au parfum d’intimité.

Gaëlle Le Dantec

Traviata de Verdi, nouvelle production du Théâtre des Champs-Elysées

www.theatrechampselysees.fr

France Musique diffuse le 16 décembre à 20h.

© Vincent Pontet

 

 

 

 

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