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Un jubilé jubilatoire - Trois questions à Jean-Paul Dessy, directeur artistique de l'ensemble Musiques nouvelles

L'ensemble Musiques nouvelles, doyen des ensembles dédiés à la musique contemporaine, fête cette saison ses cinquante années d'existence. À cette occasion sort un coffret de 6 CD (Cyprès) qui retrace l'histoire de l'ensemble à travers l'œuvre de vingt-cinq compositeurs qui ont marqué la vie musicale en Wallonie et à Bruxelles, depuis les pères fondateurs Henri Pousseur (1929-2009) – un disque entier lui est consacré – et Pierre Bartholomée (né en 1937) jusqu'à la plus jeune génération. Outre l'extraordinaire qualité sonore de l'ensemble, ces enregistrements récents (la plupart datent des dix dernières années) montrent son ouverture à de larges horizons stylistiques, autant de façons de « transformer la réalité », comme le dit poétiquement Jean-Paul Dessy, qui dirige Musiques nouvelles depuis 1997.

Le chef retrouvera ses quatre prédécesseurs à la tête de Musiques nouvelles – Pierre Bartholomée, Georges-Elie Octors, Jean-Pierre Peuvion et Patrick Davin – pour un concert exceptionnel le 10 mars à Flagey, berceau bruxellois de l'ensemble, qui poursuit ainsi de belle manière cette saison particulière.

Prendre la direction d'un ensemble aussi chargé d'histoire que Musiques nouvelles, n'est-ce pas une succession un peu lourde ?

Jean-Paul Dessy : Quand j'ai pris la direction de Musiques nouvelles, je l'ai fait avec gratitude, comme une adhésion, une perpétuation de son histoire. J'ai été moi-même nourri par les concerts de Musiques nouvelles, par la personnalité d'Henri Pousseur. Je peux même dire qu'ils ont déterminé mon choix professionnel. Cependant, toute continuation implique en même temps un aspect de nécessaire rupture. Cela a d'ailleurs été mon premier choix de programmation : ne plus jouer la musique d'avant 1950 et faire de la musique contemporaine au sens strict. Mon désir était de m'éloigner d'une dimension historicisante.

Quelle est aujourd'hui l'orientation esthétique de l'ensemble ?

J.-P. D. : J'ai souhaité ouvrir l'ensemble à d'autres mondes sonores, peut-être plus périphériques, aux frontières des musiques rock ou électro, pour que les musiciens puissent se parler, au-delà des murailles. C'est pour cette raison aussi que nous portons une attention toute particulière au rituel du concert – ce qui s'inscrit dans la continuité de l'histoire de l'ensemble, qui s'est fondé autour des « formes ouvertes » d'Henri Pousseur. Ce qui m'importe lors d'un concert, c'est qu'il y ait sacralisation. Qu'est-ce que la musique, sinon le moyen d'accéder à l'immatériel par des indices matériels ?

Ressentez-vous, après quinze ans, une adhésion du public à ces directions esthétiques ?

J.-P. D. : Il y a quinze ans, l'ensemble a traversé une période difficile. Le public s'était réduit et l'existence même de Musiques nouvelles a été menacée. Il a fallu tout rebâtir, et notamment la relation au public. C'est un travail opiniâtre : chaque auditeur se gagne un à un. Il y a une fidélité, une connivence à trouver. Le public a donc grandi avec nous, lentement mais sûrement. C'est aujourd'hui une véritable famille d'écoute, qui vient partager une expérience, dans la confiance de celles qu'ils ont vécues auparavant.

Propos recueillis par Jean-Guillaume Lebrun, le 7 décembre 2012

Coffret de 6 CD « Musiques nouvelles, 50 ans, 25 compositeurs », Cyprès CYP4650 (distribution Abeille Musique).

Concert « 50 doigts pour 50 ans », dimanche 10 mars 2013 à 20h15 à Flagey (Bruxelles).

Compte-rendu du concert anniversaire du 6 décembre 2012 :
http://www.concertclassic.com/journal/articles/actualite_20121218_4760.asp

Site internet de Musiques nouvelles : http://www.musiquesnouvelles.com

Site internet du label Cyprès : http://www.cypres-records.com

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Photo : DR
 

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