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Un ballo in maschera à l’Opéra Bastille – Sondra mène le bal – Compte-rendu

Trois jours après avoir fait délirer le public du Liceu dans le rare Poliuto où elle incarnait pour la première fois Paolina auprès de Gregory Kunde, Sondra Radvanovsky assurait sans la moindre trace de fatigue la première du Ballo in maschera à la Bastille. Certaines auraient reculé devant l’effort demandé, mais la cantatrice canadienne n’a pas hésité à relever le défi, alors qu’elle devait succéder à Anja Harteros – annoncée sur la première en début de saison, celle-ci n’assure finalement que les trois dernières représentations.
Actuellement à son zénith vocal, Sondra Radvanovsky peut tout se permettre ; la voix n’a jamais été aussi longue et ductile, le timbre aussi riche et onctueux, la ligne si disciplinée et l’interprète aussi inspirée. Savamment utilisés, les impressionnants moyens dont elle dispose sont conduits avec un tel goût et une telle sûreté que les facettes du personnage semblent illimitées.

© Emilie Brouchon - OnP

Tourmentée et frémissante, son Amelia subjugue au gibet par ses couleurs et l’étendue de ses émotions, avant de s’abandonner dans les bras du comte et de s’en mordre les doigts une fois découverte par son mari. Pur joyau posé sur le souffle et étroitement associé aux sonorités moirées du violoncelle, son « Morra ma prima in grazia » langoureusement phrasé, prend à la gorge, éclipsant forcément les velléités de son partenaire, le jeune – et prometteur – baryton italien Simone Piazzola, pour qui Renato semble encore un peu prématuré en termes de projection notamment (à la création Ludovic Tézier officiait à sa place…).
Remplaçant Marcelo Alvarez initialement prévu en alternance, Piero Pretti est un Riccardo aux aigus solaires et à la technique huilée dans le droit fil de celle de l’excellent Stefano Secco, à qui il manque seulement un soupçon de charisme vocal pour rivaliser avec Piotr Beczala, le plus étincelant des comtes du moment.

© Emilie Brouchon - OmP

Plus odalisque à la Manet que sorcière tapie dans l’ombre, Varduhi Abrahamyan se tire plutôt bien du rôle d’Ulrica sans pour autant exceller dans ce personnage, moins réussi que celui d’Azucena, tandis que Nina Minasyan campe un frêle Oscar, sans grand intérêt, entourée par Marco Mimica (Samuel), Thomas Dear (Tom) et Mikhail Timoshenko (Silvano).
Confié en 2007 à Gilbert Deflo et remonté deux ans plus tard, le spectacle ne prend aucun risque avec la partition et demeure d’une platitude désarmante alors qu’en fosse Bertrand de Billy dirige de façon exemplaire ce pur drame verdien avec la flamme et la limpidité requises.
 
François Lesueur
 
Verdi : Un ballo in maschera – Paris, Opéra Bastille, 16 janvier ; prochaines représentations les 19, 22, 25, 28 & 31 janvier et les 3, 6 & 10 février 2018 (avec Anja Harteros dans le rôle d’Amelia) / www.concertclassic.com/concert/un-bal-masque-1
 
 Photo © Emilie Brouchon - OnP

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