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Un Bal masqué à l’Opéra de Tours - Urgence et sens dramatique - Compte-rendu

« C’est le plus mélodramatique des mélodrames », disait Gabriele d’Annunzio du Bal masqué. Tout se prête en effet, dans cet opéra écrit par un Verdi de 46 ans, aux sentiments les plus exacerbés entre passion contrariée, humiliation, trahison, vengeance. Un cocktail que Shakespeare n’aurait pas renié.

Directeur du Centre Dramatique Régional de Tours et familier du Grand Théâtre, Gilles Bouillon maîtrise l’espace scénique avec beaucoup d’à-propos, choisissant délibérément une vision théâtrale classique entre ombre et lumière où passent les réminiscences de Macbeth et d’Otello dans des décors simples mais suggestifs de Nathalie Holt.

La distribution réunie s’avère d’excellente tenue, y compris les seconds rôles. On admire la voix ample et la personnalité touchante de Lianna Haroutounian dont l’Amelia crève l’écran. Sa présence physique et son sens dramatique culminent dans l’air « Morrò, ma prima in grazia » et dans les duos d’amour, hélas quelque peu déséquilibrés par les ennuis grippaux du Riccardo de Leonardo Caimi, physique de rêve mais aigus en souffrance. En revanche, dans le rôle de Renato, Tassis Christoyanis fait preuve d’un style et d’une tenue admirables : timbre sombre, vaillance et morbidezza mêlées, autorité incontestable. Impressionnante dans le rôle d’Ulrica, Claudia Marchi se montre altière sans être impeccable dans la conduite de la ligne. Le page Oscar trouve en Mélanie Boisvert une interprète vive, légère, dont l’investissement dans ce personnage virevoltant réjouit.

Jean-Yves Ossonce est le maître d’œuvre de cette production. Dès le Prélude, la tension est patente et ne faiblit jamais. Grand admirateur de Toscanini, il tire tous les enseignements de cet exemple, aussi bien dans la puissance du geste (la violence des coups de boutoir du début de l’acte III), la souplesse des transitions, que dans l’art du bel canto et le contrôle des tempi. L’Orchestre Symphonique Région Centre-Tours est conduit par une poigne de fer dans un gant de velours, et les instrumentistes (magnifique solo de violoncelle de Maryse Castello !) comme les chanteurs sont portés par un souffle expressif savamment entretenu. Quelques légers décalages au niveau des Chœurs de l’Opéra de Tours (d’ailleurs bien préparés par Emmanuel Trenque) sont le prix à payer de l’urgence et du mouvement d’ensemble de cette construction implacable.

Avec moyens modestes ô combien par rapport à ceux des scènes parisiennes, le Grand Théâtre de Tours continue à faire des miracles.

Michel Le Naour

Verdi : Un Bal masqué - Tours, Grand Théâtre, 8 mars 2013

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Photo : François Berthon
 

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