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Un Bal Masqué aux Chorégies d’Orange – Une subtile sobriété - Compte-rendu

Ouvrage hybride mêlant sentiments amoureux et raison d’Etat, Un Bal masqué (1859), malgré un caractère nationaliste qui valut à Verdi d’être considéré comme l’un des représentants les plus en vue du Risorgimento, présente la plupart du temps un caractère intimiste a priori peu approprié au gigantisme du Théâtre antique. Pour le bicentenaire Verdi, le directeur des Chorégies, Raymond Duffaut, a pourtant relevé le défi en programmant pour la première fois l’œuvre à Orange.

La mise en scène de Jean-Claude Auvray préfère l’approfondissement psychologique des personnages à la recherche de l’effet. L’immense plateau est recouvert d’un reproduction du rideau de scène bleu de l’Opéra Royal de Stockholm, peu d’artifices hormis le dosage subtil des lumières et, in fine, un bal (Béatrice Massin signe la chorégraphie) savamment illustré dans des décors contemporains des fastes de la Cour de Suède à l’époque de Gustave III. La scénographie très efficace de Rudy Sabounghi rappelle les scènes galantes colorées des tableaux de l’Ecole française des XVIIe et XVIIIe siècles qu’admirait le roi de Suède. Sifflé par le public, le parti pris général de sobriété et de subtilité, l’utilisation minimaliste du mur d’Orange, offrent cependant un véritable moment de théâtre (avec des déplacements d’acteurs réglés au cordeau). Les costumes chatoyants de Katia Duflot apportent un complément de choix.

Timbre de rêve et superbes sons filés, l’Américaine Kristin Lewis incarne une émouvante Amelia ; sa prestation fera date dans l’histoire des Chorégies. Le rôle d’Oscar est magnifiquement défendu par Anne-Catherine Gillet qui, tel un feu follet, occupe le devant de la scène et reçoit une ovation méritée. L’Ulrica de Sylvie Brunet impressionne par sa présence et sa force de suggestion. Ramón Vargas possède le style et le legato pour le rôle de Riccardo mais manque de projection vocale et surtout d’aisance théâtrale. Le Renato de Lucio Gallo ne tient pas ses promesses : souvent fatigué dans les aigus, charbonneux dans les notes les plus graves, il peine à s’imposer. Les seconds rôles de conspirateurs tenus par Nicolas Courjal, Jean Teitgen, et celui du marin (Paul Kong,) sont en revanche excellemment distribués.

Alain Altinoglu dirige l’Orchestre National Bordeaux-Aquitaine avec élégance, soucieux de ne jamais couvrir les chanteurs, préférant la fluidité et la souplesse, aux déferlements de passion exacerbée, ménageant une teinte française qui correspond bien aux exigences verdiennes et aux sources du livret tiré du drame de Scribe. Les chœurs venus d’Angers-Nantes, Avignon et Nice, servent à merveille les scènes de foule. Somme toute, une représentation du Bal Masqué qui, sans être totalement aboutie, ne dessert jamais la partition de Verdi.

Michel Le Naour

Verdi : Un Bal masqué – Orange, Théâtre antique, 3 août 2013, prochaine représentation le 6 août (à 21h30)

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Photo : Christian Bernateau
 

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