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Ultimatum de Pierre Jodlowski en création par l’Orchestre Philharmonique – Dramatique orchestrale – Compte-rendu

Lauréat en 2015 du Grand Prix lycéen des compositeurs, Pierre Jodlowski a composé Ultimatum sur commande de l’association Musique nouvelle en liberté pour honorer cette distinction, décernée chaque année depuis 2000 par un jury de 3000 lycéens (la veille de ce concert, ils ont désigné Karol Beffa comme lauréat de l’édition 2016). Dans l’année qui précède l’attribution du Grand Prix, les compositeurs sont amenés à rencontrer les élèves des classes participantes ; ils échangent alors sur la technique musicale autant que sur la place et le rôle du compositeur dans la société.
 
 

Pierre Jodlowski (à dr. ) et les lycéens ayant participé à la création d'Ultimatum © GPLC 2016 Didier Plowy

Fort de ces rencontres, Pierre Jodlowski a voulu rendre hommage à la jeunesse et à son désir de révolte. Il s’est ainsi emparé d’un texte, Ultimatum, écrit par Fernando Pessoa en 1917 – un texte fort, critique virulente d’une Europe impuissante et sans dessein – comme il pourrait l’être aujourd’hui par un poète qui n’aurait pas renoncé à observer le monde. Ce texte, avec son lyrisme touffu, est l’exact opposé de ce qui saurait se mettre en musique. Dans l’œuvre de Pierre Jodlowski, il est dit, déclamé par quelques-uns de ces jeunes lycéens rencontrés au cours de l’aventure : voix non pas solistes mais enregistrées et diffusées par haut-parleurs.
La pièce prend ainsi un caractère radiophonique, c’est une sorte de dramatique musicale avec orchestre – un genre auquel Pierre Jodlowski s’est attaché par le passé, avec notamment en 2009 l’« opéra radiophonique » Jour 54, tiré de 53 jours, roman inachevé de Georges Perec. L’orchestre ici dramatise le texte de Pessoa de façon abstraite, sans céder à quelque fonction illustrative, juste en rehaussant d’un treillis instrumental complexe, appuyé sur les cordes, les seules cordes et percussions. Un peu à la manière d’une musique électronique, la pièce joue sur les changements de texture (l’éclat tranchant des violons, le sombre des contrebasses et violoncelles).

Mikko Franck © Christophe Abramowitz - Radio France
 
La suite du programme dirigé par Mikko Franck est consacrée à deux classiques français du 20e siècle. Dans L’Ascension de Messiaen, après une première « méditation » aux cuivres un peu raide (difficile dans l’acoustique très claire de l’Auditorium de la Radio de retrouver des effets de cathédrale), le chef donne une interprétation magnifiquement ouvragée et colorée des trois autres volets. Enfin, les Images sont une nouvelle illustration de la parfaite affinité qu’entretient le chef finlandais avec l’œuvre de Debussy (il avait d’ailleurs enregistré ce triptyque il y a dix ans, déjà avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France, alors qu’il n’en était pas encore le directeur musical).
 
Comme pour La Mer, qu’il avait dirigée il y a deux ans à la Salle Pleyel, Mikko Franck propose une lecture fascinante, à la fois rythmique et contemplative, tout en miroitements, où chaque note semble travaillée pour elle-même et contribue au à l’image globale. Bref, une interprétation proprement impressionniste. Et on se prend, après coup, à voir dans ce traitement de l’orchestre, une influence possible de Pierre Jodlowski, non pas pour les couleurs ni pour la forme mais pour l’attribution à chaque note, à chaque plan sonore une intention dramatique.
 
Jean-Guillaume Lebrun

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Paris, Maison de la Radio, 18 mars 2016

Photo Pierre Jodlowsky © GPLC 2016 Didier Plowy

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