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Tugan Sokhiev dirige l’Orchestre national du Capitole à la Philharmonie de Paris – Couleurs en fête – Compte-rendu

Deux mois après une Pucelle d’Orléans de Tchaïkovski très remarquée, avec les forces du Bolchoï(1), Tugan Sokhiev (photo) est de retour à la Philharmonie, cette fois à la tête de son Orchestre national du Capitole. Le jeune chef ossète et la phalange toulousaine ont depuis longtemps trouvé leur public à Paris : une Grande Salle comble les attend pour un programme « Aladdin » inscrit dans le cadre d’un thématique « Mille et une nuits ».

Suite « Aladdin » de Nielsen : l’ouvrage est rare dans les programmes, mais on avait toutefois eu la possibilité de l’entendre à l’Orchestre de Paris sous la baguette de Paavo Järvi au cours de sa dernière saison – la 9ème de Schubert complétait la soirée, pas la plus inoubliable du chef estonien d’ailleurs.
Dès la Marche de fête orientale, Sokhiev assume pleinement l’opulence sonore d’une partition aussi visuelle que séduisante, mais sans tomber dans le chromo ni l’excès hollywoodien. Il soigne le détail dans le Danse chinoise – bravo l’harmonie ! – et manifeste un très suggestif sens des plans sonores dans la Place du marché à Ispahan. Quant à la Danse prisonniers – la plus belle et audacieuse pièce de l’Opus 34 – une approche sombre et âpre à souhait témoigne d’une formidable maîtrise de la masse orchestrale. Et montre une formation en grande forme !

Vrai fête des couleurs qu’une soirée durant laquelle on aura par la suite découvert une sensuelle Danse des sept voiles de Strauss et la Suite n° 2 de L’Oiseau de Feu de Stravinski. Sokhiev est chez lui dans cette partition adorée ; sous sa baguette, précision, amour des timbres, sens narratif et dimension chorégraphique ne font qu’un.

Marianne Crebassa et Tugan Sokhiev © Patrice Nin

Mais c’est d’abord pour la rencontre de Marianne Crebassa avec les musiciens toulousains que le concert s'inscrira dans les mémoires. René Koering avait vu juste, lui qui, alors que la chanteuse n’était encore qu’un bourgeon au Conservatoire de Montpellier (2), sut la repérer et lui donner sa chance, permettant l’envol d’une des plus belles artistes lyriques françaises d’aujourd’hui. La richesse du matériau vocal, sa souplesse, son homogénéité, le sens des mots de la mezzo nous valent une fabuleuse Shéhérazade de Ravel, d’une poésie incarnée, sombre et mystérieuse. Et quelle présence, quelle autorité, la jeune femme montre-t-elle face à un orchestre dont le chef se souvient de ce que Ravel a appris chez les Russes – beaucoup !

Alain Cochard

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Paris, Philharmonie ( Grande Salle Pierre Boulez), 20 mai 2017

 
(1) www.concertclassic.com/article/tugan-sokhiev-dirige-la-pucelle-dorleans-de-tchaikovski-la-philharmonie-de-paris-inoubliable

(2) Lire l’interview datée de 2011 : www.concertclassic.com/article/mezzo-davenir-une-interview-de-marianne-crebassa

Photo Tugan Sokhiev © tugansokhiev.com

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