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Trois questions à Sandrine Anglade, metteuse en scène – Dans la tête de Wozzeck

Après une réussite remarquée dans L’Amour des trois oranges de Prokofiev en mai 2010 (production couronnée par le Prix Claude Rostand du Syndicat de la Critique), Sandrine Anglade est de retour à l’Opéra de Dijon. Son directeur, Laurent Joyeux, à cette fois fait appel à elle pour l’une des réalisations lyriques les plus emblématiques du XXe siècle : Wozzeck. A l’approche de la première d’un spectacle que l’on découvre pour trois représentations (6, 8 et 10 mai), sous la baguette d’Emilio Pomarico et avec Boris Grappe dans le rôle-titre, Concertclassic a interrogé S. Anglade.
 
Qu’est-ce qui fait votre attachement à Wozzeck ?  Dans quelle optique abordez-vous l’ouvrage à Dijon ?
 
Sandrine ANGLADE :  Toute personne qui aime la musique ne peut qu’être attachée à cette partition, intimidante au départ. C’est un tel chef-d’œuvre, tout est écrit ; on n’a qu’une envie, c’est de fouiller, de chercher aux tréfonds de l’énigme pour arriver à l’exaucer au mieux. Je suis fascinée par la rigueur de l’écriture de Berg et, dans le projet scénographique, j’ai cherché à montrer la rigueur de cette structuration. Le dispositif adopté consiste en seul espace mouvant avec des façades coulissantes qui produisent des effets de prisme. Mais je suis aussi fascinée par tout ce que Wozzeck nous raconte de l’humain, et sur le plan psychiatrique. Le monde vacille, se tord autour de cet être et j’ai essayé de rendre compte sur le plateau de ce qui se passe dans la tête de Wozzeck, entre la tentative de l’ordre et le désordre ; un pensée en mouvement qui se perd, de cogne. J’ai tenté de mettre en scène la dimension sociale de l’œuvre, mais en travaillant plutôt, du point de vue scénographique, sur un espace mental, comme si la folie de Wozzeck gangrénait progressivement le plateau et les autres personnages.
 
Parlez-nous de l’équipe avec laquelle vous montez ce Wozzeck dijonnais …
 
S.A. : Nous avons d’abord la chance de travailler avec le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Fribourg, une formation qui collabore régulièrement avec l’Opéra de Dijon. A sa tête, Emilio Pomarico s’avère être un chef extrêmement pertinent par rapport à cette œuvre ; il connaît très bien ce répertoire. Quant à l’équipe vocale, il est passionnant pour moi de travailler avec des gens qui effectuent tous une prise de rôle. Nous « mettons les mains dans le cambouis » tous ensemble, nous somme dans une belle énergie pour chercher, pour aller plus avant, guidés par un chef totalement dans son élément. Une très belle osmose s’installe de ce fait dans l’équipe.
Boris Grappe aborde le rôle-titre pour la première fois donc et propose un Wozzeck différent de ce à quoi on s’attend. On est habitué à des chanteurs plus âgés, plus terriens. Boris apporte une modernité, une fragilité qui me touche énormément. Allisson Oakes est juste extraordinaire. Elle très moderne elle aussi. Comme Boris, elle comprend que pour rendre compte de cette œuvre il faut être soi et se laisser traverser, jouer et chanter une musique où tout est écrit, en se débarassant de la surthéâtralité pour revenir à l’essentiel, à l’être. Tous les chanteurs avec lesquels je travaille pour cette production sont capable d’aller vers cette simplicité-là.
 
Vos activités alternent entre théâtre (1) et opéra : quels sont vos projets ?
 
S.A. : Dans l’immédiat, il se situent plutôt du côté du théâtre. Le Cid, que j’ai adapté pour huit comédiens et un batteur, est en tournée pour la troisième saison jusqu’à la fin avril. J’ai également conçu un spectacle jeune public pour un comédien « Le Rois sans Terre » avec un jeune musicien, Nicolas Larmignat, qui sera repris la saison prochaine. Je prépare un texte rare de Marivaux, L’Héritier de Village, une pièce en un acte, que je vais travailler à des musiciens pop. En ce qui concerne l’opéra, La Cenerentola que j’avais montée à l’Opéra du Rhin et qui a été reprise au Scottish Opera, est prévue à l’Opéra de Limoges en 2017. Quant aux autres projets en cours, je préfère ne pas les dévoiler pour l’instant.
 
Propos recueillis par Alain Cochard le 23 avril 2015
 
(1) Site de la Compagnie Sandrine Anglade : www.compagniesandrineanglade.com
 
Berg : Wozzeck
Les 6, 8 et 10 mai 2015
Dijon – Opéra
www.concertclassic.com/concert/wozzeck-de-berg-0
 
Photo © DR

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