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Trois questions à Christine Helfrich, Conservateur du Département de la musique au Musée de l’Armée – Vents d’hiver

Déroulée sur des thématiques originales et fouillées, la saison de concerts du Musée de l’Armée se poursuit sur un cycle savoureux, « Vents d’hiver », qui propose (du 1er au 19 février) de multiples variations autour de ces instruments éclatants. Aux commandes de ces saisons depuis plus de vingt ans, une personnalité hors normes, Christine Helfrich, inscrite dans le mouvement de l’art, même dans un cadre aussi patrimonial. Elle y officie avec grâce et détermination, joignant un engagement irréductible à une rigueur sans faille dans ses programmations. Malgré des périodes difficiles, plus de 2000 concerts ont ici retenti grâce à elle : un pari complexe à tenir car le public ne pense pas toujours à prendre le chemin de ce lieu où la poésie l’attend au détour des espaces guerriers, dans des salles magnifiques comme le salon d’honneur, le salon Turenne, sans parler bien sûr de la cathédrale Saint-Louis. Elle s’explique sur ses choix.
 
Comment organisez vous votre saison ?
Christine HELFRICH : Il y a évidemment une part non négligeable de concerts de prestige qui s’adressent à  nos mécènes, notamment le CIC, qui a notamment aidé à la restauration de peintures et à celle de la verrière du Dôme, et grâce auquel nous avons plusieurs concerts retransmis en direct par Radio classique.  Le cycle « Premières armes » nous permet aussi de présenter de jeunes musiciens du CNSMDP, soutenus par la Fondation Safran pour la musique. Nous proposons aussi des concerts de proximité à midi, pour un prix minuscule (5€) ! Pour le reste, nous avons de multiples autres supports qui nous permettent de tenir bon. Et il convient de garder le cap sur l’actualité des plus grands interprètes contemporains tout en serrant de près celle du Musée. Deux expositions ont ainsi lieu chaque année, et il nous faut les accompagner, les illustrer, ce qui est un enjeu excitant, d’autant que la direction du Musée souhaite que la programmation demeure accessible, ce qui impose évidemment de placer les raretés et les pépites à découvrir entre des pièces incontournables qui en facilitent l’accès.
  Philippe Pierlot © Christophe Abramowitz / Radio France
 
Comment vont sonner ces « Vents d’hiver » ?
C.H. : Pour ce cycle, nous sommes aidés par l’actualité, qui est celle de l’ouverture du Cabinet consacré aux instruments à vents militaires, à la fois les plus beaux et les plus parlants que possède le Musée, et d’autres mis en dépôt par le Musée de la Musique. Le tout centré sur la figure d’Adolphe Sax, qui donna un fantastique essor à cette catégorie d’instruments.
Cette superbe présentation, petite certes mais très raffinée et non dénuée d’humour appelle un contrepoint musical, évidemment. Je l’ai axé autour de la « dynastie » Pierlot, figure maîtresse de notre carte musicale, du père, Philippe, le flûtiste que l’on sait, à ses fils, le hautboïste (comme le grand-père Pierre) Guillaume et le violoncelliste Antoine. Avec l’accompagnement de la Musique de l’air. Ce sera une première pour eux, car pour étonnant que cela paraisse, ils n’ont jamais joué ensemble. De très grands artistes participent à cette série, comme Pascal Devoyon, Philippe Muller et Dominique de Williencourt, outre le violon de Dong-Suk Kang et le violoncelle de Young- Chang Cho, et en point d’orgue, le détonnant Quatuor Yendo, quatre saxophones en folie !
 
Quels sont les temps forts de la suite de la saison ?
 
C.H. L’un des principaux cycles accompagnera l’exposition consacrée à « Napoléon à Sainte-Hélène », où sera visible notamment le mobilier de Longwood House. Ouvert le 7 avril 2016 sur Beethoven et le Concerto «L’Empereur », joué par Fernando Rossano, il permettra d’entendre ensuite François-René Duchâble, dans un programme Beethoven et Liszt, encadrant des lectures de Hugo, Corneille et du Mémorial de saint Hélène par Alain Carré (19/05). Très exaltant aussi le trio Deborah Nemtanu, Antoine Pierlot et Tristan Raës, ponctué de poèmes lus par Didier Sandre (27/05). Et bien sûr le 31 mai, le Requiem de Cherubini, outre le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn et la rare cantate Le Cinq mai de Berlioz, sur un poème de Béranger, par l’Orchestre des Universités de Paris, dirigés par Carlos Dourthé.
Mais je prépare déjà activement l’année prochaine, riche en événements et défis passionnants, toujours en rapport avec l’actualité du Musée de l’Armée ; ainsi, un cycle « Guerres secrètes », pour lequel nous recherchons des musiciens ayant été chargés de missions d’espionnages, ou des musiques en rapport avec des épisodes de la guerre froide, entre autres. Des artistes tels que Svetlin Roussev, Alexandre Kniazev ou Mūza Rubackyté  y participeront. Michel Dalberto et Henri Demarquette figureront ensuite au programme du cycle « France-Allemagne ». Quant aux « Vents d’hiver », ils reviendront en février 2017, avec une présence affirmée des cuivres. J’aime à rappeler que l’Hôtel des Invalides, lieu de musique autant que de mémoire et d’entraide, fut inauguré au son du Te Deum de Delalande !
 
 
Propos recueillis par Jacqueline Thuilleux, le 27 janvier 2016

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Cycle « Vents d’hiver »
Du 1er au 19 février 2016
Paris – Musée de l’Armée-Hôtel des Invalides
www.musee-armee.fr/programmation/concerts.html
 
« Dynastie Pierlot »
11 février 2016 – 20h
Paris – Cathédrale Saint-Louis des Invalides
www.musee-armee.fr/programmation/concerts/detail/dynastie-pierlot-pere-et-fils.html
 
Photo C. Helfrich © DR

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