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​Tree of codes de Wayne McGregor à l’Opéra de Paris - Compliqué mais accrocheur - Compte-rendu

C’est, avec ses charmes et ses ambitions touchantes, un pur manifeste d’art contemporain qu’offre Tree of Codes, pièce non négligeable inspirée par le roman de l’écrivain à succès Jonathan Safran Foer, au chorégraphe Wayne McGregor, dont l’Opéra de Paris a déjà plusieurs œuvres à son répertoire – Genus, Anatomie de la sensation et Alea sands. Manifeste de plasticien avec les structures métalliques et lumineuses conçues par l’islandais Olafur Eliasson, auquel la Fondation Vuitton avait fait les honneurs de sa première exposition, Contact, en 2014. Célébrité du groupe anglais The XX, et de son compositeur de remix Jamie Smith, apte à déclencher des séquences répétitives à coups de plages stridentes ou molles. 
 
 Enfin, absence  de  propos raisonné dans la gestuelle de Wayne McGregor, échafaudée à coups de déhanchements et de grands balancements très spectaculaires, mais désir forcené d’exister par le mouvement, en l’intégrant à un espace, virtuel ou réel, ce grâce aux jeux de lumière et de miroir de Rob Halliday. Bref un propos compliqué et ultra ambitieux, dont il est possible d’inverser les données, car en ce qui concerne les structures lumineuses, on peut dire qu’Alwin Nikolaïs fit largement aussi bien, et que Carolyn Carlson, en matière d’abstraction et Bill Forsythe pour la violence physique algébrée, poussèrent les corps aussi loin dans le vide, tandis que la musique de juke box des XX ne dépasse pas le stade du bling bling.

© Joel Chester Fildes
 
Entre les deux, il y a des interprètes magnifiques, au sein desquels se mélangent avantageusement quelques uns des éléments majeurs de la compagnie Mc Gregor, notamment le splendide Louis Mc Miller, et du Ballet de l’Opéra, choisis parmi les missionnaires de cet art à la fois brutal et intello. Deux stars maison notamment, Jérémie Belingard et l’étonnante Marie-Agnès Gillot, lui plus faunesque  que jamais, elle aussi gracieuse et provocante qu’une moto de compétition…Tous deux aiment cette façon de se servir de leur corps, juste dans l’enivrement des figures à lancer et briser, pour le seul déploiement de leur énergie démantibulée.
 
Les lignes dessinées dans l’espace, dont chaque interprète renouvelle l’incontestable pouvoir de séduction brute, se déploient beaucoup en face à face agressifs, contournés, drôles parfois et surtout ultra cadencées. Ecartelé jusqu’au bout de lui-même, le corps se cherche : à force de vouloir s’identifier à des structures rectangulaires ou circulaires, à les pénétrer, il se trouve en se perdant, notamment au sein d’une sorte de caverne lumineuse. Néandertal, Platon ? Soyons impartiaux, penchons pour Cro-Magnon, qui avait sûrement ses charmes.  
 
Jacqueline Thuilleux

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Tree of Codes (chor. W. McGregor) - Palais Garnier, le 8 février ; prochaines représentations, les 11, 12, 14, 15, 17, 18, 20, 21, 22, 23 février 2017. www.operadeparis.fr
   

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