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Thaïs en version de concert au Festival Castell Peralada - Le philosophe et la courtisane - Compte-rendu

Trois jours après Madrid, l'infatigable Plácido Domingo (photo) – attendu le 31 juillet à Bayreuth pour diriger Die Walküre, premier « chef » espagnol à être invité sur la Colline verte – interprétait Athanaël dans la Thaïs de Massenet. A plus de 80 ans, le légendaire « ténor » n'a pas failli à sa réputation, relevant ce nouveau défi avec l'assurance et la vigueur d'un jeune premier. On pourra toujours lui reprocher son français exotique, ses approximations, ses baisses de régime, il n'en demeure pas moins un chanteur d'exception sur qui la fatigue, la lassitude et le nombre des années semblent ne pas vouloir se pencher.

Habité par la musique, il capte l'auditoire dès son entrée, jouée comme si le personnage était accablé par son voyage effectué jusqu'à cette Alexandrie qui le fascine et le répugne tout ensemble. Ténor barytonant ou baryton ténorisant, la voix de Domingo n'a intrinsèquement pas vieilli, son timbre ayant conservé les accents impétueux qui ont fait sa gloire, cette urgence et cette éternelle flamme quand d'autres ont depuis longtemps perdu l'émail, la précision, la projection ou ne peuvent contrôler un envahissant vibrato. Au-delà de la stricte performance vocale et du duo qu'il forme avec l'interprète principale, Domingo a bien saisi les enjeux d'Athanaël, odieux sauveur qui, après avoir fait expier à Thaïs ses pêchés et l'avoir conduite à la mort, réalise son infamie et montre enfin son désespoir.

Ermonela Jaho malgré ses efforts et une technique qui lui permettent de venir à bout du rôle-titre, n'a malheureusement pas le format vocal de Thaïs – qu'elle avait abordé en 2008 à Toulon. Il manque à son instrument la pulpe, la chair, la capacité d'aller puiser dans un bas medium fourni pour nourrir un phrasé qui reste anémié, inaudible ou fragile. Réfugiée dans l'aigu, qui reste brillant et filant dès que possible de longues notes piani, son interprétation manque de corps et ne peut être comparée à la dernière titulaire en date, l'immense Renée Fleming, unique dans cet opéra où quelques jolies sonorités ne peuvent suffire.

Comme à Madrid, Jean Teitgen tient dignement le rôle de Palémon, le jeune et prometteur Michele Angelini celui de Nicias, qui dans sa bouche n'est plus une utilité, agréablement entouré par Elena Copons (Crobyle) et Lidia Vinyes Curtis (Myrtale) mais également par Sara Blanch (La charmeuse) et dans une moindre mesure Marifé Nogales (Albine). Chef d'une grande rigueur stylistique et d'une impeccable musicalité, Patrick Fournillier dirige avec bonheur l'ouvrage, à la tête des Chœurs et l'Orchestre du Teatro Real de Madrid.

 
François Lesueur

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Massenet : Thaïs (version de concert) – Festival Castell Peralada, 29 juillet 2018

Photo © Sony Classical

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