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Strasbourg - Compte-rendu - Hans Heiling de Marschner : une résurrection réussie à Strasbourg

L’Opéra National du Rhin, à qui est revenu le soin de définir l’œuvre du concours européen de mise en scène en 2003, association regroupant plus de cinquante scènes Lyrique, et de Camerata Nuova, afin de donner à une nouvelle génération de metteurs en scène et de scénographe l’opportunité de s’exprimer, avait porté son choix sur Hans Heiling de Marschner. Pour les deux primés que sont Andréas May et David König, le défit, fort intéressant, était de première importance. Expérience réussie et défit relevé avec maestria par les deux lauréats.

La mise en scène d’Andreas May est d’une clarté et d’une efficacité qui met en valeur les deux mondes qui s’opposent tout au long de l’ouvrage : monde des esprits, dans un univers métallique aidé en cela par les décors et superbes costumes de David König (uniformes gris asexués des esprits), qui montrent bien le côté inhumain et sans sexualité auquel tente d’échapper Hans Heiling ainsi que le village où vit Anna, superbe reconstitution d’un village Alsacien des années 50 dans un style Biedermeyer qu’illustre à merveille l’impossibilité de Hans à se fondre dans une société qui n’accepte pas la différence.

La vedette incontestable de cet opéra en est le baryton Detlev Roth, qui, dans le rôle titre, avec une voix saine, qui n’est pas sans rappeler Walter Berry, nous donne à voir et à entendre un Hans Heiling à la fois humain et torturé par sa double personnalité. En cela il est suivi par la soprano Anja Kampe, qui, dans le personnage d’Anna, sa fiancée, fait entendre une voix égale sur toute l’étendue du registre, avec des pianissimi qui font rêver.

Fort belle prestation d’Hanna Schaer, dans le personnage de Gertrude, la mère d’Anna, nous présente une composition fort réussie, avec une mention spéciale pour son mélodrame du deuxième acte. Le ténor Norbert Schelomianski, dans le personnage de Konrad, le rival heureux d’Hans, réussit à émouvoir dans un personnage qui aurait mérité un peu plus d’attention de la part du compositeur.

Tous les autre rôles sont tenus avec beaucoup de précision et de caractérisation. Seul petit bémol dans cette distribution bien équilibrée, la Reine des Esprits de la soprano Marcela de Loa, qui malgré une jolie voix bien timbrée, manque de puissance et de persuasion dans ses scènes d’imprécations, surtout lors de sa confrontation avec Anna, scène dont Wagner se souviendra pour Elsa et Ortrud au deuxième acte de Lohengrin.

Les chœurs sont efficaces et l’orchestre Philharmonique de Strasbourg est dirigé de main de maître par le chef Olaf Henzhold. Superbe travail sur la petite harmonie, fort sollicitée par une partition qui développe certaines acquisitions fondamentales de Weber, dont la richesse harmonique développera les bases fondamentales de l’opéra romantique allemand, tout en innovant (prélude placé entre le prologue et le premier acte), dont le Freischtüz avait donné le point de départ, et dont Wagner qui dirigera plusieurs fois Hans Heiling, se souviendra pour le Vaisseau Fantôme, et plus explicitement avec Lohengrin. A quand la découverte du Wampyr, ainsi que du Templier et de la Juive, du même Marschner ?

Bernard Niedda

Hans Heiling Opéra National du Rhin le 20 mars 2004

Portfolio de mise en scène (2 photos)

Photo : Alain Kaiser
 

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