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Stéphanie D’Oustrac en récital à Hardelot - Voyage poétique - Compte-rendu

Affluence des grands soirs au Midsummer Festival du château d’Hardelot dont le week-end de clôture accueille Stéphanie D’Oustrac, accompagnée par Pascal Jourdan. Une récente interview parue dans nos colonnes a été l’occasion pour la mezzo de redire l’attention extrême qu’elle porte aux mots(1). Le cadre intimiste du théâtre éphémère du Midsummer Festival (qui, si tout se déroule comme prévu, sera doté d’un bâtiment durable à partir de l’année prochaine) permet de s’en convaincre une fois de plus au cours d’une soirée placée sous le signe des Nuits d’été.

Mais avant d’en arriver au célèbre cycle berliozien, on suit avec bonheur l’interprète dans des pages souvent rares. A commencer par quatre mélodies de Jacques de la Presle (1888- 1969) : Odelette, Vœu, Dédette, Nocturne. D’Oustrac a mille fois raison de défendre la musique de son arrière-grand-oncle, certes, mais surtout d’un compositeur injustement oublié et ces quatre pièces, indépendantes, composées peu avant la première guerre mondiale, montrent un art de mélodiste raffiné que la mezzo sert avec tact et élégance. Espérons qu’elle ira plus avant dans l’exploration du très vaste corpus de mélodies de l’auteur.

L’accompagnement subtil et attentif de Pascal Jourdan contribue aussi au bonheur de l’auditoire, là comme dans les trois extraits des cinq Stances d’amour et de rêve op 29 de Louis Vierne. Issue d’une première version pour orchestre, la riche partie de piano porte littéralement une voix qui fait corps avec les vers de Sully Prudhomme, dans la douleur contenue de Chaînes comme dans l’atmosphère troublante de Ressemblance ou le halètement de Galop dont toute la force expressive s’affirme avec fièvre mais sans une once d’emphase.

Merveille de poésie, de délicate variété dans les nuances, La Mort d’Ophélie de Berlioz referme la première partie dans une atmosphère de romantisme frémissant.

Après le Tea Time de l’entracte – nous sommes, ne l’oublions pas, au Centre Culturel de l’Entente Cordiale -, le public retrouve les interprètes avec d’abord la pertinente juxtaposition de la mélodie que Debussy et Delius ont l’un et l’autre tiré du poème Il pleure dans mon cœur de Verlaine. Justesse du ton, subtilités des couleurs, D’Oustrac captive par la charmeuse souplesse d’une ligne vocale qui se déploie sans que l’on perde une syllabe.

Après l’intermède pianistique des Three Sketches for piano de Frank Bridge que Pascal Jourdan emporte de son jeu ailé et vivant, la poésie est à son comble dans Les Nuits d’été servie par une voix impeccablement placée, un timbre riche, une expression intense qui savoure les mots sans jamais forcer l’expression. Formidable de présence scénique, D’Oustrac habite le cycle berliozien avec autant de ferveur que d’intelligence. Un envoûtant voyage poétique qui s’achève loin, très loin, sur les rivages de L’Île inconnue… Public sur un nuage, généreusement gratifié d’un goûteux Porc à l’espagnole (E. Trillat), d’une tendre Chloris (R.Hahn) et d’entêtants Chemins de l’amour (F. Poulenc).

Alain Cochard

(1) Lire l'interview

Condette, château de Hardelot, 23 juin 2012

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Photo : Pascale Brunet/ photographe CG 62
 

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