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Stéphane Degout et Alain Planès aux Lundis musicaux de l’Athénée – Simplicité et entente absolues – Compte-rendu

Peu après voir été le Chorèbe des Troyens à l’Opéra Bastille, Stéphane Degout (photo) a changé complètement d’univers en entreprenant, avec Alain Planès au piano, une tournée de récitals de mélodie française. Au programme Fauré, Duparc, Chabrier et, bien évidemment, Debussy, auteur auquel les deux artistes ont consacré une belle anthologie l’an passé (chez Harmonia Mundi, partagée avec Sophie Karthaüser et Eugene Asti)(1).
A l’instar de sa collègue Véronique Gens, le chanteur aime à alterner entre l’opéra et le lied ou la mélodie. Grand moment que celui qu'il a offert aux amateurs du genre dans le cadre parfait de l’Athénée. Il ne s’agit pas de saluer ici la prestation d’un grand mélodiste excellemment accompagné, mais bien celle d’un duo dont l’entente parfaite aura séduit, charmé au sens plein du mot, d’un bout à l’autre de la soirée.

Trois poèmes de Paul Verlaine de Debussy : l'absolue simplicité du ton, de la diction, le rejet de tout artifice vocal frappent d’emblée : un cœur à nu face à l’essence du poème. Deux cœurs plutôt car, par l’art avec lequel il distille la musique, Planès trouve toujours la teinte exacte sur sa palette et participe d’un exemplaire alchimie. Les Fêtes galantes II qui suivent comblent tout autant ; on gardera longtemps en mémoire le dialogue des deux spectres du Colloque sentimental, porté par un piano d’une magnétique nudité ... Enigmatique épure des Trois poèmes de Mallarmé, noblesse de deux des Trois Chansons de France (Le temps a laissé ... ; Pour ce que plaisance ...), pudique ardeur du Promenoir des deux amants : Debussy est magistralement servi tout au long du récital, mais les autres auteurs conviés ne sont pas en reste.

Alain Planès © Eric Larrayadieu

Tel Fauré, avec un bouquet de cinq pièces dans lequel la beauté de ligne des Berceaux et d’Après un rêve n’enchante pas moins que Clair de Lune, Danseuse et la verlainienne Mandoline ; le chanteur s’y fait le complice des personnages qui surgissent du clavier. Place à Chabrier. Emplie d’un lumineux désir, L’Île joyeuse précède Chanson pour Jeanne et l’évolution psychologique que Degout parvient à traduire en l’espace des quatre minute à peine que dure cette pièce en dit long sur sa sensibilité ...
A Henri Duparc revient la conclusion. De l’espace infini que la voix comme le piano savent ouvrir dans La Vie antérieure, jusqu’au Galop, haletant, vécu mais jamais surjoué, en passant par Sérénade, Chanson triste, Elégie ou Lamento, l’art de la caractérisation et le refus de toute emphase forcent l’admiration. On se prend à rêver d’une intégrale Duparc par un tel duo ...
En bis, Duparc (Extase), Ravel (Chanson romanesque) et Fauré (Diane, Séléné) prolongent le bonheur d’un public aux anges.

Prochain Lundi musical, le 18 mars, avec le baryton Victor Torres et Alphonse Cemin au piano dans les Songs and proverbs of William Blake de Britten et les Canciones de l’Argentin Carlos López Buchardo (1881-1948). Avis aux curieux !
 
Alain Cochard

(1) A propos de CD, signalons que l’excellent éditeur B Records vient de publier dans sa collection « Théâtre de l’Athénée Live » un beau récital de Stéphane Degout, capté le 18 décembre 2018, avec Simon Lepper au clavier (« Poèmes d’un jour » : Fauré, Brahms, Schumann /1 CD LBM 017). Il fait suite à « Histoires naturelles », avec Cédric Tiberghien (1 CD LBM009)
 
Paris, Athénée Théâtre Louis-Jouvet, 25 février 2019/ Prochain concert le 18 mars : bit.ly/2J71Gb1

Photo © Jean-Baptiste Millot

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