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Spectacle Sebastián Durón au Teatro de la Zarzuela de Madrid - Doublé gagnant - Compte-rendu

Parfaite réussite que ce programme double réunissant La guerra de los gigantes et El imposible mayor en amor, le vence Amor ! Le Teatro de la Zarzuela a visé grand et juste, aux fins de commémorer dignement les trois cents ans de la disparition de Sebastián Durón (1). L’affiche, il est vrai, constituait déjà une alléchante promesse, avec Leonardo García Alarcón comme maître d’œuvre.

© CCR Ambronay / B. Pichène
 
Le jeune chef baroqueux ne faillit pas à sa glorieuse réputation, avec cette battue impérieuse et allante qu’il sait prodiguer. Mais aussi avec un large travail en amont, pour restituer au mieux deux partitions géniales quasi oubliées. Il vient à Madrid avec ses forces instrumentales de la Cappella Mediterranea, l’un des plus vibrants ensembles baroques actuels, qui distille ici timbres et ardeur. En sus d’un plateau vocal tout aussi international, mais éminemment choisi. Vivica Genaux, au sommet de ses moyens et de son engagement, renvoie ainsi aux prestations d’une confondante justesse de Cristina Alunno, Mercedes Arcuri, Giuseppina Bridelli, Mariana Flores (à la ville, madame García Alarcón), Beatriz Díaz ou María José Moreno. Sans oublier Lucía Martín-Cartón et Javier Galán, irrésistibles bouffons indispensables à toute pièce baroque espagnole. Les membres sélectionnés du chœur du théâtre se fondent dans l’ensemble, avec style et diapason d’époque (à l’issue du travail en amont précité). Pour un résultat d’excellence que ce répertoire mérite.
 

© Fernardo Marcos
 
Il s’agit toutefois de deux ouvrages parfaitement dissemblables. Au point qu’un petit débat s’est ouvert récemment à propos de la paternité musicale de La guerra de los gigantes (qui serait à attribuer selon certaines sources à José de Torres, 1670-1738). Débat dans lequel nous n’entrerons pas, si ce n’est pour signaler les vertus propres à chacune des pièces. C’est ainsi que La Guerre des géants (datée d’environ 1702) serait comme une vaste cantate, illustrant le thème de la bataille entre les géants et les dieux de l’Olympe, sur fond de musique excitée pour chœurs et solistes dans la tradition espagnole. Avec une montée en puissance saisissante, jusqu’à un sublime trio final. Alors que Le Plus Impossible objet de l’amour, le surmonte Cupidon (ouf ! daté, lui, de 1710) s’apparente davantage à une zarzuela traditionnelle avec ses dialogues parlés, en forme de sérénade amoureuse mettant aux prises à nouveau Jupiter confronté cette fois à Cupidon et ses travestissements. À travers arias da capo, récitatifs, cadences et madrigal (parfois tout aussi sublimes, notamment pour un lamento terminé en duo étreignant) ; de couleur plus italienne, en dépit du soutien d’impressionnants chœurs d’esprit très ibérique.
 

© Fernando Marcos
 
S’expliquent ainsi les choix de Gustavo Tambascio pour son travail de mise en scène, avec deux conceptions radicalement opposées. Pour la première œuvre dans une relecture actuelle, plantant la guerre mythologique parmi un conflit social entre patrons et ouvriers, grimés à la mode haute couture des années 60 ou à la façon de Star Wars, sous des effets de fumées et de tremblements de terre. Pendant que la zarzuela qui suit verse dans la reconstitution historiciste, avec danses et gestuelles baroques, lumières estompées imitant celles de candélabres, toiles peintes en perspective et vêtures allégoriques vues par le XVIIIe siècle. Le tout parfaitement réglé, mais où manquerait parfois un grain de folie, surtout en première partie. Folie à laquelle la musique pourvoit et supplée. Des reprises du spectacle semblent envisagées de ce côté-ci des Pyrénées. Qu’il ne faudrait alors surtout pas manquer.
 
Pierre-René Serna

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Sebastián Durón : La guerra de los gigantes et El imposible mayor en amor, le vence Amor – Madrid, Teatro de la Zarzuela, 17 mars. Prochaines représentations les 22 et 23 mars  teatrodelazarzuela.mcu.es/es/temporada/lirica/gigantes-mayor-amor-2015-2016
 
(1)Voir notre présentation : www.concertclassic.com/article/sebastian-duron-au-teatro-de-la-zarzuela-de-madrid-le-beau-meconnu

Photo @ Fernando Marcos

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