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Simon Boccanegra de Verdi à l’Opéra de Dijon – Sans espoir – compte-rendu

Après l’échec des premières représentations de Simon Boccanegra à Venise en 1857, Verdi laissa en jachère cette œuvre qu’il reprit en 1880 pour aboutir à une version totalement remaniée, faisant appel à Boito pour clarifier un livret (de F.M. Piave) jugé confus. Le succès fut cette fois-ci au rendez-vous, mais il est difficile de trouver ses marques dans cette action complexe mêlant luttes politiques dans la Gênes du XIVe siècle, relations familiales à rebondissements, conflits psychologiques, le tout au sein des rivalités claniques entre nobles et plébéiens alors que Simon Boccanegra, de retour dans sa ville natale, est acclamé comme Doge.
© Gilles Abegg- Opéra de Dijon
 
La vision du metteur en scène allemand Philipp Himmelmann ne s’embarrasse pas des données historiques et actualise le propos, situant l’opéra dans un décor digne du palais de Ceausescu. Le pessimisme domine : univers de grisaille sans échappatoire et costumes contemporains - avec le peuple en jean. Un tableau rectangulaire digne de Chirico fait référence à la mer si chère au corsaire Boccanegra, un cheval en chair et en os symbolise le passage entre le monde ancien et le monde moderne, et une pendue rappelle le sort de Maria dont Simon a eu une fille, Amelia, vingt-cinq ans plus tôt.
© Bobřík-Opéra de Dijon

Au milieu des voix masculines prépondérantes, la soprano Keri Alkema impose un chant généreux, incarnant une Amelia toute de tendresse avec une tessiture parfaitement adaptée et légèrement vibrante. Le Simon de Vittorio Vitelli au timbre plutôt sourd ne démérite pas même s’il éprouve quelques difficultés à projeter ses aigus. Il représente néanmoins un Doge généreux tenaillé par son obsession d’imposer un idéal de pacification au milieu des luttes fratricides face à son ennemi, le noble Fiesco, dont Luciano Batinić, très stylé, donne une caractérisation de haute tenue. Remarquable Paolo de Armando Noguera distillant son venin, tandis que Gianluca Terranova apporte une note de lumière à Gabriele Adorno. Il réussit à rendre de manière crédible les hésitations d’un homme à la fois amoureux et obnubilé par ses instincts de vengeance à l’égard de Simon qui pourtant, en mourant, le désignera comme son successeur ; mais l’espoir dans l’humanité n’est pourtant pas au bout du chemin.
 
Roberto Rizzi Brignoli connaît les opéras de Verdi comme personne et l’on est étonné d’apprendre qu’il n’a jamais dirigé Simon Boccanegra avant cette production. Dynamique et contrastée, sa battue entraîne les excellents musiciens de l’Orchestre Dijon Bourgogne et le Chœur maison (Anass Ismat a assuré sa préparation) sur des sommets d’intensité. Dès le prologue, le souci du coloris et la manière de mettre en valeur les subtilités de l’orchestration témoignent d’une approche très fouillée avec un art de fluidifier les transitions, de rendre la construction inéluctable et de créer des climats saisissants. Le triomphateur de la soirée !
 
Michel Le Naour

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Verdi : Simon Boccanegra - Dijon, Opéra, 18 mars ; prochaines représentations les 20 et 22 mars  / www.concertclassic.com/concert/simon-boccanegra-0
 
 Photo © Bobřík-Opéra de Dijon
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