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Siegfried au Grand Théâtre de Genève – A visage humain – Compte-rendu

Siegfried prolonge avec bonheur une Tétralogie genevoise qui trouve là ses marques tant théâtrales que musicales. La mise en scène de Dieter Dorn possède toujours la même justesse et réussit à rendre le mythe terriblement humain. Aucune surcharge, mais une volonté narrative, depuis les scènes de la forge et de la forêt jusqu’à la délivrance de Brünnhilde.
 
Le plateau, sans être éclatant, rend justice à la geste wagnérienne. Léger pour le rôle-titre, le ténor John Daszak résiste au poids qui pèse sur ses épaules tout au long de la représentation. Dans le duo final, il réussit même à damer le pion à la Brünnhilde de Petra Lang, efficace dramatiquement, mais dont les aigus projetés vaillamment n’ont pas la souplesse et la sensualité requises. Andreas Conrad (Mime) tire le maximum d’un personnage auquel il donne une dimension plus complexe que celle habituelle du gnome retors. L’Alberich de John Lundgren possède la noirceur voulue, et le Fafner de Steven Humes, par sa profondeur caverneuse, incarne un dragon impressionnant. Nouveau Wotan de ce Ring, Thomas Tomasson (qui remplace Tom Fox) présente un caractère héroïque et un timbre plus sombre que son prédécesseur. S’il n’est pas le dieu de légende, il fait toutefois bonne figure jusqu’à la rupture programmée de sa lance par Siegfried. Bel Oiseau de Regula Mühlemann d’une finesse touchante, tandis que Maria Radner peine quelque peu à exprimer les prophéties d’Erda.
 
Ingo Metzmacher dompte une partition dont il sait à merveille dégager les leitmotive et débusquer toute la richesse sonore. Avec fluidité, poésie  et tension contrôlée, il conduit l’Orchestre de la Suisse romande sur des chemins chambristes, refusant l’emphase pour mieux cultiver la transparence de la musique. La réussite de ce Siegfried tient grandement à sa maîtrise et sa capacité à soutenir, épauler, voire économiser des chanteurs lorsqu’ils sont à la limite de leurs possibilités. On quitte la salle ravi d’avoir assisté à un spectacle d’une grande cohérence ; ce qui laisse bien augurer du Crépuscule des Dieux programmé du 23 avril au 2 mai.
 
Michel Le Naour
 
 
 
Wagner : Siegfried – Genève, Grand Théâtre, 5 février 2014
Rens. : www.geneveopera.ch
 
Photo © GTG / Carole Parodi

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