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Saul sous la direction de Leonardo García Alarcón au Festival de Beaune 2019 – Un Haendel intense et inspiré - Compte-rendu

Saul (ou Saül en français) inaugure en 1739 la grande épopée de l’oratorio anglais chez Haendel, dont il peut être considéré comme l’inventeur. Une dizaine d’oratorios suivront alors que le compositeur abandonne l’opéra italien (à l’exception de deux titres ultérieurs peu significatifs) qui avec une dizaine d’ouvrages avait jusqu’ici fait sa gloire. Car Saul a tout d’un manifeste, aussi bien par sa structure que par son orchestration, par son texte que par sa musique. Le choix de la langue anglaise indique déjà un nouveau public, plus étendu que celui du théâtre royal. Il y a aussi un large usage des chœurs, comme aussi de pages instrumentales (six sinfonies), pour 86 numéros, en comptant de peu nombreux récitatifs, soit, une soixantaine de morceaux musicaux (alors que les opéras du compositeur comportaient une trentaine d’arias). Les airs se distribuent en omettant quasiment le da capo (lui, très présent dans ses opéras), pour une musique qui avance sans temps mort. Autre nouveauté : un rôle, celui de David, écrit expressément pour un contre-ténor, à l’inverse des castrats précédemment de rigueur.
 

© Jean-Claude Cottier
 
Le livret, signé de Charles Jennens, se plante dans le thème biblique de la fin de la vie de Saül, premier roi d’Israël, et l’ascension de son successeur, le roi David. Un sujet, avec des allusions à la politique anglaise d’époque, qui laisse entière liberté au compositeur qui n’a plus à se soucier des contraintes spatio-temporelles propres au théâtre. Une œuvre ambitieuse, au plan interprétatif également.
 
C’est à cette ambition que s’attaque Leonardo García Alarcón, chef dont on sait le talent de découvreur hors des sentiers éternellement balisés. Dans la Basilique Notre-Dame de Beaune, il bénéficie de l’appoint de la trentaine d’instrumentistes éprouvés du Millenium Orchestra (que le chef argentin a fondé en 2014), de l’excellence du Chœur de chambre de Namur (dont il est directeur artistique) et d’un plateau vocal de haut vol parmi la dizaine de solistes requis. Pour une grande interprétation assurément, digne de la grandeur d’inspiration de l’œuvre.

Christian Immler © Jean-Claude Cottier
 
Lawrence Zazzo (photo) est David, ce contre-ténor obligé que l’oratorio appelle, avec cette faculté d’expression et cette facilité d’émission qu’il sait si bien exposer. Christian Immler incarne le rival Saül à travers l’autorité ténébreuse que son royal rôle suscite. Katherine Watson figure une Merab vaillamment projetée et Ruby Hugues une éclatante Michal. Samuel Boden confère à Jonathan, le héros malheureux pris entre son devoir et ses sentiments, la délicatesse troublée qui convient, à l’appui de sa voix de ténor élégiaque. On note la participation judicieusement affirmée de solistes issus du chœur (Gwendoline Blondeel, Maxime Melnik, Kamil Lachiri, Philippe Favette, Sergio Ladu) pour les six rôles secondaires. Car le Chœur de chambre de Namur n’est pas en reste de vigueur dans ses nombreuses interventions, en dépit de l’acoustique de l’église qui l’éloigne et le met un peu en retrait.
 
Le Millenium Orchestra est lui aussi fidèle à sa belle réputation, dans une puissance qui sait jouer des détails et des subtilités. Alors que García Alarcón lance ses troupes sans répit, de cette battue galvanisante dont il a le privilège et la maîtrise. Un moment fort et d’exception, pour un Haendel retrouvé dans toute son intensité.
 
Pierre-René Serna

Haendel : Saul – Beaune, Basilique Notre-Dame, 6 juillet 2019 / 37e Festival d'Opéra baroque et romantique de Beaune, jusqu'au 28 juillet 2019 https://www.festivalbeaune.com/
 
Photo © Jean-Claude Cottier

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