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Samson et Dalila au Grand Théâtre de Genève - Une leçon de style selon Plasson - Compte-rendu

Ainsi que le rappelle Tobias Richter, le directeur artistique du Grand-Théâtre de Genève, Samson et Dalila faisait partie du répertoire des opéras francophones jusque dans les années soixante. C'est donc pour pallier ce relatif oubli qu'il a tenu à importer une production de Patrick Kinmonth venue de la Deutsche Oper Berlin et remaniée ici par le metteur en scène lui-même.

Le rideau s'ouvre sur un écran de projection où apparaissent en caractères gothiques les dates et circonstances historiques contemporaines de la composition de l'ouvrage (1) – début 1871 Saint-Saëns s'était installé à Londres pour quelques semaines, poussé par les conséquences de la défaite. Hébreux et Philistins revêtent les uniformes alors en vigueur, sans que l'on puisse distinguer immédiatement les deux camps. Si le dispositif présente l'avantage d'éviter le kitsch, il atténue sensiblement le manichéisme inhérent au livret. Sommet de la partition, le duo du deuxième acte est admirablement servi par une lune qui roussoie de temps à autre, suggérant les ambivalences manipulatrices de Dalila.

Redoutable à distribuer, l'ouvrage exige pour les rôles-titres de conséquents gabarits vocaux. Révélé par Muti il y a quelques années, Aleksandrs Antonenko se confirme comme un ténor assurément héroïque et démontre l'endurance requise par son rôle, au prix d'un nuancier expressif limité. Si elle peine à trouver ses marques dans le premier acte, la Dalila de Małgorzata Walewska s'épanouit au deuxième, tour à tour envoûtante et impérieuse. Au terme d'une remarquable carrière qu'il referme avec cette série de représentations, Alain Vernhes incarne, en Grand-Prêtre, la meilleure école française. Emission solide et diction impeccable, Jean Teitgen se distingue en Abimélech. Brian Bannatyne-Scott compose un vieillard honnête, comme peuvent l'être le Messager de Fabrice Farina ainsi que les deux Philistins, lesquels incombent à Rémi Garin et Khachik Matevosyan.

Légende désormais dans le répertoire français, Michel Plasson sait faire ressortir comme personne l'identité idiomatique de l'Orchestre de la Suisse Romande, et révèle une enivrante palette de couleurs, tout particulièrement dans le deuxième acte, magnifié par la largesse des tempi, laquelle pénalise un troisième à l'inspiration de toute façon nettement inférieure. Saluons enfin la précision et l'intelligibilité des chœurs préparés par Ching-Lien Wu.

Gilles Charlassier

(1) Mis en chantier en 1868, Samson et Dalila ne fut terminé qu’en 1877

Saint-Saëns : Samson et Dalila – Suisse, Genève, Grand-Théâtre, 7 novembre, prochaines représentations  les13, 16, 19 & 21 novembre 2012 / www.geneveopera.ch

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Photo : GTG/Yunus Durukan
 

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