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Salzbourg toujours


Côté scène peu de neuf sous le soleil salzbourgeois, mais des productions rodées avec des distributions maisons parfois moins brillantes qu’en les précédentes éditions. Ainsi des Nozze di Figaro selon Claude Guth avec la Comtesse sans glamour de Dorothea Röschmann, le Comte sans mordant de Gérard Finley mais le Figaro idéal de Pisaroni et la Suzanne bien vue de Kleiter. Daniel Harding succède à Nikolaus Harnoncourt et devrait retrouver des tempos plus vifs que ceux très soulignés imposés par son aîné. On découvrira plutôt l’Armide de Josef Haydn (mise en scène Christof Loy) qui viendra enchanter le Manège des Rochers sous la baguette experte d’Ivor Bolton, ouvrage trop rarement monté défendu par une distribution qui promet : Annette Dasch, Richard Croft, Vito Priante, Bernard Richter .On pourra aussi se laisser tenter par la Theodora de Haendel (avec un trio de choc : Christine Schäfer, Bernarda Fink, Bejun Metha), également confiée à Bolton (à nouveau Christof Loy à la régie).

La grande affaire de la saison sera le Moïse et Pharaon de Rossini, péplum belcantiste toujours périlleux à monter – on doit y passer la Mer rouge à sec – et dont les exigences vocales sont faramineuses. Sur le papier la distribution semble un peu légère (Cutler, Ganassi, Alaimo, Di Castri… heureusement Abdrazakov), typique de ce que veut imposer Riccardo Muti, mais qui sait…et l’œuvre est assez fascinante - on craint toutefois un peu les simplifications scéniques de Jürgen Flimm.

Autre rendez-vous majeur ce Grand soleil d’amour chargé, chef-d’œuvre lyrique de Luigi Nono où les Wiener Philharmoniker devraient briller sous la baguette experte d’Ingo Metzmacher, et avec une distribution finement composée (Avemo, Bickley, Tynan, Prohaska, mise en scène Kate Mitchell).

Mais au fond le spectacle auquel on devrait prendre le plus de plaisir reste bien le Cosi fan tutte de Mozart dans l’inventive régie de Claus Gut et animé par la battue vive d’Adam Fischer qui retrouvera quelques uns de ses chanteurs fétiches : Miah Persson, Topi Lethipu, Bo Skovhus et Patricia Petibon.

Côté hommage quatre propositions : un bref cycle Haydn, genre alibi, permettra d’entendre Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre dans quelques Symphonies londoniennes et dans un triptyque cécilien (Purcell, Haendel puis Haydn célébrant la patronne des musiciens, qui sera documenté au disque par Naïve dès la rentrée.

On pourra redonner une oreille à toutes les Symphonies de Beethoven relues vives et mordantes par la Deutsche Kammerphilharmonie de Brême et Paavo Järvi.
On relève par ailleurs une passionnante programmation autour de l’intégralité de l’œuvre d’Edgar Varèse, avec au pupitre Ricardo Muti (qui en profite pour se frotter en seconde partie de concert à la Faust-Symphonie de Liszt), Bertrand de Billy, Sylvain Cambreling ou François-Xavier Roth.

Enfin un parcours inventif autour de l’œuvre de Liszt ! Cette « Liszt Szene » ouverte le 28 juillet par un récital d’Arcadi Volodos, se poursuivra par des concerts démontrant à quel point l’auteur de la Faust-Symphonie fut un visionnaire de la musique moderne. A ne pas manquer le concert du 2 août où Boris Berezovsky mettra en regard les altérités hongroises si différentes mais pas si éloignées que cela de Liszt et de Ligeti.

Côté récitals, cinq dates à retenir : Martha Argerich retrouve Nelson Freire à quatre mains et à deux pianos (Rachmaninov ; Brahms, Chostakovitch, Schubert, Ravel), Evgeni Kissin fera voisiner Prokofiev et Chopin, puis Grigori Sokolov se vouera à ses Dieux, Beethoven et Schubert, comme Maurizio Pollini avec sa trilogie absolue, Beethoven, Schumann, Chopin. Enfin le Thomas Zehetmair donnera à entendre les six Sonates pour violon seul d’Eugène Ysaye, une expérience autant qu’un concert, à ne surtout pas laisser passer.

La saison est également heureuse en matière de musique de chambre : Mitsuko Uchida et ses amis (Steinberg, Clemens Hagen) restent très viennois avec des trios de Mozart Schubert et Webern. Autre trio, celui formé par Joshua Bell, Steven Isserliss et Denes Varjon qui occuperont la scène du Mozarteum pour deux concerts dédiés à Weber, Schumann et Mendelssohn. Les Belcea donneront un beau programme Britten-Schubert- Haydn, et l’autre quatuor du festival sera le corrosif Quatuor Emerson pour deux soirées Haydn-Chostakovitch. Récital de Gautier Capuçon et de Gabriela Montero (avec surtout la grande Sonate de Rachmaninov, alors que son violoniste de frère, Renaud, tente un beau parcours en duo avec l’alto d’Antoine Tamestit : Mozart, Ligeti et Bartok, autant dire l’essentiel de la littérature consacrée à ce subtil alliage.


Quelques Liederabend promettent : Matthias Goerne et David Fray iront chez Liszt et Wolf, Magadalena Kozena et Mitsuko Uchida varieront autrement les plaisirs et les horizons : Purcell, Schumann, Debussy et Berg se répondent dans un ensemble très subtilement composé. Programmation recherchée également pour le récital de Thomas Quasthoff et de Lars Vogt, avec des œuvres de Frank Martin, d’Aribert Reimann, mais aussi de Brahms et de Mahler. Mais avant tout il faudra entendre le ténor sombre de Jonas Kaufmann dans un triptyque Liszt-Richard Strauss- Britten avec mieux qu’un accompagnateur, Helmut Deutsch lui-même au piano. Trois chanteurs plus exclusivement habitués à la scène se risqueront aussi à l’exercice périlleux du Liederabend : Anna Netrebko (avec Barenboïm au clavier) dans un programme russe alternant Rimski-Korsakov et Tchaïkovski, Patricia Petibon qui nous conduira de Bizet à Copland en passant par Hahn et Satie (avec Suzanne Manoff), et Juan Diego Florez qui risque bien de faire exploser le Grosses Festspielhaus avec ses pyrotechnies vocales.

Mais Salzbourg c’est aussi la vitrine des grands orchestres européens : les Wiener Philharmoniker y sont en résidence estivale : Harnoncourt les conduit dans un programme viennois assez déstructuré (Schubert, Josef Strauss, Webern…). Autrement cohérent paraît le doublé Berg/Bruckner pensé par Salonen (avec Karita Mattila). On guettera également la rencontre forcément électrique des Viennois et de Gustavo Dudamel dans un programme russe et avec Nikolai Znaider.

Le Symphonique de Londres, avec Gergiev bien entendu, et le Concertgebouw d’Amsterdam, avec Mariss Janssons cela va de soi, confronteront leurs visions diamétralement opposées de Chostakovitch.

Daniel Barenboïm et son West-Eastern Divan Orchestra donneront trois concerts, mais l’événement attendu de cette édition restent le concert Haydn proposé le 30 août par Simon Rattle avec ses Berlinois, le Rundfunkchor et un trio de choc : Oelze, Ainsley et Quasthoff. Toujours pas d’œuvre précisée sur le site du Festival. Ne serait-ce pas Les Saisons ?

Jean-Charles Hoffelé

Festival de Salzbourg

25 juillet-30 août 2009

www.salzburgerfestspiele.at

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Photo : Monika Rittershaus

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