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Sabine Devieilhe, Raphaël Pichon et l’Ensemble Pygmalion à la Philharmonie – Une académie pour les sœurs Weber – Compte-rendu

Gros succès discographique de l'automne, l'album Mozart, Les soeurs Weber (Erato) a donné l'idée à ses initiateurs de concevoir un original programme de concert, présenté dans toute la France au mois de décembre. Pour éviter de dupliquer les titres enregistrés en studio, Raphaël Pichon, l'Ensemble Pygmalion et la soprano Sabine Devieilhe (photo) ont préféré reproduire ce que pouvait être un concert au temps de Mozart. Venus nombreux pour applaudir la cantatrice française, ses admirateurs ont ainsi pu la retrouver dans différents airs et découvrir, comme la tradition le voulait, quelques passages symphoniques et autres surprises. Séraphique et sensible dans l'air flottant « Vorrei spiegarvi, oh dio », composé pour Aloysia, sœur de Josepha et de Constanze qui épousera Wolfgang, l'instrument de la soprano colorature sait se faire plus ferme et plus dense dans l'aria « Schon lacht der holde Frühling » pour répondre à la vocalité plus corsée de Josepha, créatrice de la Reine de la Nuit.

Raphaël Pichon @ Caroline Doutre
 
Dirigés avec ardeur et délicatesse, les extraits de la Symphonie n° 35 « Haffner » (N°35), suivis de l'Adagio en mi majeur KV 261 pour violon et orchestre (sous l’archet de Cécilia Bernardini), constituaient une élégante parenthèse. Mais Raphaël Pichon et ses musiciens ont régalé le public en partant sur de folles improvisations orchestrales sur un thème de Gluck tiré au sort, juste avant l'entracte. Entre les gags, les rivalités entre chanteuse et soliste au pianoforte et les prouesses de chacun, ce moment de divagation musicale aura fait grand effet.
 
La seconde partie entrecoupée de quelques passages choisis pour mettre en valeur les qualités techniques et l'homogénéité des timbres des Pygmalion, valait surtout pour la soprano, présente à trois reprises. D'abord dans le second air de La flûte enchantée « Der Hölle Rache », d'une précision diabolique, la voix diaphane de Sabine Devieilhe se faisant, comme au disque, plus mordante, au point d'emplir la vaste salle de la Philharmonie avec une désarmante facilité. Moins inspirée par la délicate chanson d'adieu « Nehmt meinen Dank » qu'elle semble survoler, la chanteuse revenait avec le périlleux aria de Giunia « Ah se il crudel periglio » extrait de Lucio Silla (absent du disque), traduisant avec éclat l'euphorie créatrice d'un Mozart encore bouleversé par ses voyages en Italie. Dommage que le chef ait choisi en bis une version orchestrale de la douce et simplissime mélodie « Ridente la calma », un peu pâle après un tel feu d'artifice vocal.
 
François Lesueur

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Paris, Philharmonie 1, 14 décembre 2015

Photo Sabine Devieilhe © Alice de Sagazan

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