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Roméo et Juliette à l’Opéra-Comique – Consécration pour Pene Pati – Compte-rendu

Triomphe, le mot n’est pas trop fort, pour Pene Pati et Perrine Madoeuf hier soir à l’Opéra-Comique, appelés en dernière minute pour remplacer Jean-François Borras et Julie Fuchs testés positifs au covid. La journée avait mal commencé puisqu’aux aurores l’équipe de Favart apprenait la défection de son Roméo. Cette première épreuve passée, une seconde allait survenir quelques heures plus tard avec le retrait de Juliette, également malade ; de mémoire de théâtre l’on n’avait jamais vécu pareille déconvenue….
Fort heureusement la première représentation a pu être sauvée grâce à l’arrivée du ténor samoan Pene Pati (photo, il chantait Alfredo la veille à Amsterdam !) et de la soprano Perrine Madoeuf qui vient de tenir le rôle à l’Opéra de Tallin. Passées les premières notes où la tension était perceptible, le jeune couple s’est rapidement détendu, chacun prenant pleinement possession de sa partie respective.
 

Perrine Madoeuf ( Juliette) © Arturs Lacis

Disons-le d’emblée Pene Pati est une révélation : ce grand gaillard aux allures de rugbyman, dispose d’une voix souple, joliment timbrée et posée sur le souffle qu’il pare de multiples nuances. Très crédible en amoureux sensible et déterminé, il brille par son naturel et sa capacité à émouvoir. Phrasé avec un raffinement extrême son « Ah ! Lève-toi soleil ! » a fait se soulever la salle, conquise par ailleurs, par son endurance, la qualité de ses aigus et la maîtrise de ses piani délicats. Passée inaperçue lors de sa venue à Paris en octobre dernier dans L’elisir d’amore, sa présence à l’Opéra-Comique a tout d’une consécration.
Sans doute stressée, et on le comprend aisément, Perrine Madoeuf se tire avec les honneurs du rôle exigeant de Juliette, par un engagement vocal qui culmine dans une vibrante scène du poison. Le timbre manque parfois d’onctuosité mais la cantatrice finit par imposer sa vision, très fouillée, du personnage.
Autour de ce duo tout auréolé, gravite une équipe de très bons chanteurs parmi lesquels se dégage Patrick Bolleire, imposant Frère Laurent, Philippe-Nicolas Martin, bouillonnant Mercutio, Yu Shoa, Tybalt plein de morgue, Jérôme Boutillier (Comte Capulet) et Thomas Ricart (Benvolio). Mention spéciale pour le Stephano aérien d’Adèle Charvet, l’efficace Gertrude de Marie Lenormand et les interventions des membres du chœur Accentus.
 

© S. Brion

A la demande d’Olivier Mantei, les décors de cette production sont ceux de la pièce de Shakespeare (présentée à la Comédie Française en 2015) mise en scène par à Eric Ruf (également scénographe). Le passage du théâtre à l’opéra s’effectue aisément. Au plateau le résultat est honorable, l’opposition entre les familles ennemies et en particulier les scènes de bagarre correctement réglées – qui ne sont pas sans rappeler celles du West Side Story de Spielberg, à l’affiche actuellement  – prenant le pas sur le reste de l’intrigue, traité de manière assez succincte.
À la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, Laurent Campellone entraîne ses solistes dans une course effrénée que rien ne semble pouvoir arrêter. Cette lecture aussi franche que mordante est un réel atout pour galvaniser la musique de Gounod et combler les vides de la dramaturgie.

 
François Lesueur

Charles Gounod : Roméo et Juliette -  Opéra-Comique 13 décembre 2021 ; prochaines représentations les 15,17 19 et 21 décembre / www.opera-comique.com/fr/spectacles/romeo-et-juliette

Photo © Mark Leedom

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